french.xinhuanet.com
 

Beautées chinoises : une tendance à la défiguration

                 French.xinhuanet.com | Publié le 2016-07-11 à 08:14

 

Par G.Burguet, professeur de lettres à Paris (ggburguet005@gmail.com)

« Tout est affaire de forme! »  entend-on souvent.

L’autre jour, sur la page Wechat de mon épouse, je découvre la photo d’une de ses amies que nous n’avions pas vue depuis des mois. Son visage, dans mon souvenir plutôt rond et bien dessiné, offre à présent un aspect qui détonne et qui m’effraie. La mâchoire est affinée, le menton n’est plus qu’une pointe, le cou, atrocement allongé, semble celui d’une femme Padaung ; les yeux, démesurés, semblent avoir été dérobés à un couple de cyclopes et ils prennent tout l’espace sur ce visage désormais mutilé. « Que s’est-il passé ?! » m’écriai-je, terrifié, vers ma femme. « Photoshop, répondit-elle d’une façon résignée, c’est comme ça, maintenant, c’est la mode en Chine. »

Une mode? En effet, le besoin de transformer son apparence en est devenue une. Une mode qui s’est développée en Corée du sud, puis qui a contaminé la Chine et même toute l’Asie. Et quelles sont alors les alternatives les plus populaires paraître différent? La chirurgie esthétique et photoshop.

L'obsession de la chirurgie esthétique et ses ravages

La chirurgie est de loin la pratique la plus désastreuse, elle est irréversible et c’est de plus un phénomène en perpétuelle augmentation si l’on en croit les derniers chiffres alarmants. Aujourd’hui, se faire opérer pour des raisons esthétiques est devenu un acte banal, on se fait « refaire » comme on irait chez le dentiste. Pire, c’est même parfois considéré comme une étape dans la réussite sociale, un processus d’intégration auprès de ses collègues. En Corée, l’espace public est inondé de publicités promouvant les bienfaits du bistouri, il y a même une émission de télé qui propose de métamorphoser les candidats pour leur permettre de répondre à des critères esthétiques arbitrairement définis, à des codes établis par la société. Et quels codes ? Parlons-en ! Si la chirurgie esthétique peut s‘avérer une solution pour surmonter une dysmorphophobie réelle, réparer une disgrâce congénitale, ou tout simplement paraître plus jeune, l’utiliser à des fins de simple dénaturation de soi est criminel. Car la tendance n’est pas à l’idéalisation des traits asiatiques mais à l’occidentalisation.

Exaltation de l'occidental

Le modèle caucasien fait vendre, tandis que le visage chinois est jugé trop rond, trop plat, trop ceci ou trop cela. L’opération la plus répandue est donc logiquement la blépharoplastie, autrement dit, l’opération des paupières qui consiste à débrider les yeux et à donner un regard plus occidental. Certes, mais quel gâchis.

On pourra m’objecter, on m’objecte sûrement déjà, que les goûts sont relatifs aux différents peuples et à leurs cultures. Après tout, bon nombre de françaises se font raboter le nez pendant que des chinoises s’y font mettre des implants. L’insatisfaction est un phénomène universel. Mais c’est oublier que la beauté repose sur une harmonie et une cohérence. Le visage chinois, comme tout type de visage, a ses particularités et c’est précisément pour ces raisons que l’esthétique occidentale le juge harmonieux et délicat. Pourquoi alors aller le remplacer par celui d’une poupée trafiquée ?

L'affiche du film "The Truth About Beauty"

Une nouvelle étape cosmétique: photoshop

Laissons là la chirurgie car il existe un autre type d’opération encore plus banal, mais qui fort heureusement n’est que virtuel : photoshop. Que le scalpel ait sévi ou non, il n’est de toute façon plus question de laisser son apparence telle quelle. L’image se modifie à souhait derrière un écran ; l’infographiste supplée au chirurgien. Chacun peut ainsi en trois clics « corriger » son apparence pour la conformer aux « normes » ; on doublera ainsi la taille de ses yeux, triplera sa poitrine, on blanchira sa peau, on se greffera le cou d’une girafe… Je vous abrège le parcours.

Tous pareils!

On croise ainsi avec un rythme croissant bon nombre de visages refaits selon le même modèle, façonnés dans la même usine : une usine de clones qui dénature et annihile toute démarcation. On arbore aujourd’hui un visage conforme à une norme, comme on enfilerait le même une blouse ou un quelconque uniforme pour le travail. En Chine, le Graal tiendrait dans les visages adulés de quelques stars omniprésentes, comme par exemple celui de Fan Bingbing qui sert à faire vendre d’innombrables produits. A chacun ses goûts, mais les miens n’y trouvent pas leur compte tant ce genre de visage me semble plus proche de celui d’une héroïne de manga standard que de celui d’une femme bien réelle.

Au final, en voulant à tout prix offrir la meilleure image de soi, et en poussant cette obsession, qu’y a-t-il à gagner ? Faisons une synthèse :

1/ On détectera au premier coup d’œil la retouche - criante pour la plupart du temps. « En vrai, elle ressemblerait à quoi ? » ne pourra-t-on s’empêcher de penser.

2/ Le résultat après tant d’efforts est tout bonnement disgracieux, voire extrêmement repoussant. Et personnellement, en comparant les deux photos avant/après la métamorphose, pour la plupart je choisirais la première.

3/ Enfin, en voulant ressembler à un modèle imposé, à un androïde aseptisé, sans unicité, sans âme, plutôt qu’à développer ses attraits personnels, on lassera très vite autour de soi. On s’apparentera à l’une des cinq mille roses découvertes par le petit prince : des roses qui ne sont pour lui qu’ordinaires, qui sont toutes semblables, et qu’il ne peut aimer.

Alors, il faut il faut prendre courage, lectrices ! Vous êtes belles, soignez donc votre beauté, mais de grâce ne renoncez pas à elle !

À noter : le contenu de ce texte n'engage que son auteur et non Xinhuanet. Si vous avez vécu des expériences intéressantes en Chine ou si vous souhaitez partager vos points de vue originaux sur la culture chinoise et les échanges sino-français, n'hésitez pas à nous envoyer votre article par e-mail à : xinhuanet_french@news.cn. Une rémunération est prévue, une fois l'article publié.

 
分享
Forte fréquentation pour l'Exposition internationale du dessin animé et des jeux de Shanghai
Forte fréquentation pour l'Exposition internationale du dessin animé et des jeux de Shanghai
L'actrice Gong Li à Rome
L'actrice Gong Li à Rome
Moments de tendresse entre bébé et chien
Moments de tendresse entre bébé et chien
L'actrice Song Jia pose pour un magazine
L'actrice Song Jia pose pour un magazine
Photos - Un spectacle de lumières et d'eau à Shanghai
Photos - Un spectacle de lumières et d'eau à Shanghai
Nouvelles photos de Ruby Lin
Nouvelles photos de Ruby Lin
Les oiseaux battent pour la nourriture
Les oiseaux battent pour la nourriture
L'actrice chinoise Yuan Shanshan pose pour un magazine
L'actrice chinoise Yuan Shanshan pose pour un magazine
Retour en haut de la page

Beautées chinoises : une tendance à la défiguration

French.xinhuanet.com | Publié le 2016-07-11 à 08:14

 

Par G.Burguet, professeur de lettres à Paris (ggburguet005@gmail.com)

« Tout est affaire de forme! »  entend-on souvent.

L’autre jour, sur la page Wechat de mon épouse, je découvre la photo d’une de ses amies que nous n’avions pas vue depuis des mois. Son visage, dans mon souvenir plutôt rond et bien dessiné, offre à présent un aspect qui détonne et qui m’effraie. La mâchoire est affinée, le menton n’est plus qu’une pointe, le cou, atrocement allongé, semble celui d’une femme Padaung ; les yeux, démesurés, semblent avoir été dérobés à un couple de cyclopes et ils prennent tout l’espace sur ce visage désormais mutilé. « Que s’est-il passé ?! » m’écriai-je, terrifié, vers ma femme. « Photoshop, répondit-elle d’une façon résignée, c’est comme ça, maintenant, c’est la mode en Chine. »

Une mode? En effet, le besoin de transformer son apparence en est devenue une. Une mode qui s’est développée en Corée du sud, puis qui a contaminé la Chine et même toute l’Asie. Et quelles sont alors les alternatives les plus populaires paraître différent? La chirurgie esthétique et photoshop.

L'obsession de la chirurgie esthétique et ses ravages

La chirurgie est de loin la pratique la plus désastreuse, elle est irréversible et c’est de plus un phénomène en perpétuelle augmentation si l’on en croit les derniers chiffres alarmants. Aujourd’hui, se faire opérer pour des raisons esthétiques est devenu un acte banal, on se fait « refaire » comme on irait chez le dentiste. Pire, c’est même parfois considéré comme une étape dans la réussite sociale, un processus d’intégration auprès de ses collègues. En Corée, l’espace public est inondé de publicités promouvant les bienfaits du bistouri, il y a même une émission de télé qui propose de métamorphoser les candidats pour leur permettre de répondre à des critères esthétiques arbitrairement définis, à des codes établis par la société. Et quels codes ? Parlons-en ! Si la chirurgie esthétique peut s‘avérer une solution pour surmonter une dysmorphophobie réelle, réparer une disgrâce congénitale, ou tout simplement paraître plus jeune, l’utiliser à des fins de simple dénaturation de soi est criminel. Car la tendance n’est pas à l’idéalisation des traits asiatiques mais à l’occidentalisation.

Exaltation de l'occidental

Le modèle caucasien fait vendre, tandis que le visage chinois est jugé trop rond, trop plat, trop ceci ou trop cela. L’opération la plus répandue est donc logiquement la blépharoplastie, autrement dit, l’opération des paupières qui consiste à débrider les yeux et à donner un regard plus occidental. Certes, mais quel gâchis.

On pourra m’objecter, on m’objecte sûrement déjà, que les goûts sont relatifs aux différents peuples et à leurs cultures. Après tout, bon nombre de françaises se font raboter le nez pendant que des chinoises s’y font mettre des implants. L’insatisfaction est un phénomène universel. Mais c’est oublier que la beauté repose sur une harmonie et une cohérence. Le visage chinois, comme tout type de visage, a ses particularités et c’est précisément pour ces raisons que l’esthétique occidentale le juge harmonieux et délicat. Pourquoi alors aller le remplacer par celui d’une poupée trafiquée ?

L'affiche du film "The Truth About Beauty"

Une nouvelle étape cosmétique: photoshop

Laissons là la chirurgie car il existe un autre type d’opération encore plus banal, mais qui fort heureusement n’est que virtuel : photoshop. Que le scalpel ait sévi ou non, il n’est de toute façon plus question de laisser son apparence telle quelle. L’image se modifie à souhait derrière un écran ; l’infographiste supplée au chirurgien. Chacun peut ainsi en trois clics « corriger » son apparence pour la conformer aux « normes » ; on doublera ainsi la taille de ses yeux, triplera sa poitrine, on blanchira sa peau, on se greffera le cou d’une girafe… Je vous abrège le parcours.

Tous pareils!

On croise ainsi avec un rythme croissant bon nombre de visages refaits selon le même modèle, façonnés dans la même usine : une usine de clones qui dénature et annihile toute démarcation. On arbore aujourd’hui un visage conforme à une norme, comme on enfilerait le même une blouse ou un quelconque uniforme pour le travail. En Chine, le Graal tiendrait dans les visages adulés de quelques stars omniprésentes, comme par exemple celui de Fan Bingbing qui sert à faire vendre d’innombrables produits. A chacun ses goûts, mais les miens n’y trouvent pas leur compte tant ce genre de visage me semble plus proche de celui d’une héroïne de manga standard que de celui d’une femme bien réelle.

Au final, en voulant à tout prix offrir la meilleure image de soi, et en poussant cette obsession, qu’y a-t-il à gagner ? Faisons une synthèse :

1/ On détectera au premier coup d’œil la retouche - criante pour la plupart du temps. « En vrai, elle ressemblerait à quoi ? » ne pourra-t-on s’empêcher de penser.

2/ Le résultat après tant d’efforts est tout bonnement disgracieux, voire extrêmement repoussant. Et personnellement, en comparant les deux photos avant/après la métamorphose, pour la plupart je choisirais la première.

3/ Enfin, en voulant ressembler à un modèle imposé, à un androïde aseptisé, sans unicité, sans âme, plutôt qu’à développer ses attraits personnels, on lassera très vite autour de soi. On s’apparentera à l’une des cinq mille roses découvertes par le petit prince : des roses qui ne sont pour lui qu’ordinaires, qui sont toutes semblables, et qu’il ne peut aimer.

Alors, il faut il faut prendre courage, lectrices ! Vous êtes belles, soignez donc votre beauté, mais de grâce ne renoncez pas à elle !

À noter : le contenu de ce texte n'engage que son auteur et non Xinhuanet. Si vous avez vécu des expériences intéressantes en Chine ou si vous souhaitez partager vos points de vue originaux sur la culture chinoise et les échanges sino-français, n'hésitez pas à nous envoyer votre article par e-mail à : xinhuanet_french@news.cn. Une rémunération est prévue, une fois l'article publié.

On recommande | Plus de photos

010020070770000000000000011100001355028551