France: A Strasbourg, les gilets jaunes tentent d'internationaliser leur mouvement (REPORTAGE)

French.xinhuanet.com|Publié le 2019-04-28 à 04:11
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Par Claudine Girod-Boos

STRASBOURG, 27 avril (Xinhua) -- Deux jours après les annonces du président français Emmanuel Macron destinées à marquer la fin du grand débat national et enclencher le début de l'Acte 2 de son quinquennat, les gilets jaunes ont manifesté à travers le pays ce samedi comme chaque samedi depuis fin novembre.

A Strasbourg, paisible cité alsacienne, capitale européenne du Grand Est, quelque 3000 personnes ont défilé dans une ville sous haute sécurité, a constaté Xinhua. Selon un bilan de la préfecture, quarante-deux personnes ont été interpellées et sept personnes ont été blessées légèrement.

La grande conférence de presse du chef de l'Etat français, jeudi, à l'Elysée, devant près de 350 journalistes, n'a pas suffi à éteindre le feu qui couve dans un pays déboussolé, confronté depuis 5 mois à une crise sociale et politique sans précédent.

Ce samedi, comme chaque samedi depuis le 17 novembre dernier, les gilets jaunes sont une nouvelle fois descendus dans les rues de l'Hexagone. A Strasbourg, capitale du Grand Est, siège du Parlement européen et de nombreuses institutions européennes, les contestataires, qui revendiquent justice sociale et équité fiscale en cristallisant leur colère, ont cherché à internationaliser leur mouvement en lançant un appel régional et européen.

De multiples arrêtés préfectoraux avaient été pris pour interdire les manifestations dans plusieurs quartiers, notamment les secteurs historiques de l'hyper centre et les zones de commerce. Un important dispositif policier et militaire a été déployé. Des hélicoptères de la gendarmerie du Haut-Rhin ont survolé la cité alsacienne dès la matinée, et tout l'après-midi, des sirènes ont retenti tandis que des voitures de police banalisées patrouillaient sans relâche.

Le cortège s'est élancé aux environs de 14 heures depuis la place de l'Etoile ; le quartier de la gare ayant été interdit. On a pu noter la présence, dans la foule des gilets jaunes, du journaliste strasbourgeois Gaspard Glanz, interpellé et placé en garde à vue la semaine dernière à Paris. Le jeune homme, qui couvre les conflits sociaux et les manifestations publiques de manière régulière, est interdit de manifestation à Paris.

A 14h30, la préfecture a fait savoir que la police avait saisi, de manière préventive, des casques et des masques et rappelé que la manifestation n'avait pas été déclarée contrairement aux exigences légales en vigueur.

Aux environs de 15 heures, à la place de Bordeaux, non loin du Parlement européen, les forces de l'ordre ont barré la route des institutions européennes aux manifestants. Xinhua a pu constater que de nombreuses grenades lacrymogènes ont été lancées en réponse à des jets de projectiles (pavés, bouteilles) des manifestants.

Un peu en retrait de cette scène chaotique pour éviter les fumées des grenades, Jean, Alsacien de 37 ans, technicien en eau potable, "gilet jaune depuis le début", a déclaré à Xinhua: "On en a tous marre... On n'en peut plus. Les gens sont écoeurés, ils demandent de la justice sociale. Aujourd'hui, près de 3000 personnes à Strasbourg, c'est important dans une ville où les gens n'ont pas la culture de la manifestation comme dans d'autres régions françaises".

Interrogé sur les annonces du président Macron, il a répondu : "Les hommes politiques français ne prennent pas leurs responsabilités".

Malgré la tension palpable à la place de Bordeaux, il n'y a pas eu d'affrontement direct entre gendarmes mobiles, CRS et les manifestants qui ont été contraints de reculer. L'un d'eux a été blessé à la tête et pris en charge par les street medics. A noter dans le cortège la présence de street medics allemands.

Une heure plus tard, de nouvelles tensions ont éclaté, allée de la Robertsau, aux abords de l'Orangerie, quartier où sont hébergées les nombreuses représentations diplomatiques que compte la ville, ainsi que le Conseil de l'Europe, organisation paneuropéenne qui regroupe 47 Etats membres. Les compagnies de CRS déployées et les manifestants se sont fait face pendant plus d'une demi-heure dans un contexte tendu et une grande confusion.

"Je ne comprends pas ce qui se passe en France. On dirait qu'Emmanuel Macron ne comprend pas son peuple", a dit à Xinhua, Salina, une Allemande trentenaire venue à Strasbourg par "solidarité" avec son compatriote Stefan. "La police ne montre pas son meilleur visage; en Allemagne, de telles choses ne pourraient pas se produire", a-t-il dit à Xinhua.

Non loin de là, Maurizio, un Mexicain habitant le quartier de l'Orangerie, a livré son sentiment. "Je ne suis pas gilet jaune, mais on peut dire que je suis un sympathisant. Les Français ont raison de ne pas se laisser faire. Dans mon pays, les gens critiquent beaucoup mais n'agissent pas", a-t-il dit.

Frédéric, trentenaire strasbourgeois lui aussi du quartier de l'Orangerie, ne partageait pas son avis. "Il y a des limites à ne pas dépasser ; il faut les arrêter ces Gilets jaunes, sinon ils seraient capables d'aller brûler le Parlement européen", a-t-il déclaré à Xinhua.

Plusieurs autres heurts se sont produits en fin de journée entre les manifestants et les forces de l'ordre. Une partie du cortège s'est dirigé vers le campus universitaire de l'Esplanade. Bruno, retraité italien vivant en France à Sainte-Marie aux Mines, dans les Vosges, a confié à Xinhua son mécontentement de l'action du gouvernement tandis qu'une jeune femme, drapeau allemand sur les épaules, a expliqué que de "nombreux manifestants allemands ont été bloqués à la frontière et empêchés de venir rejoindre les contestataires".

Les forces de l'ordre ont ensuite repoussé les manifestants vers la presqu'île Malraux et le cortège s'est coupé en quatre cinq groupes au moins. Certains gilets jaunes ont réussi à pénétrer dans le quartier historique de la Grande-île et rejoindre la place Kléber. La manifestation s'est complètement dispersée vers 19h30.

Selon un bilan de la préfecture, communiqué à 19h40, quarante-deux personnes ont été interpellées et sept personnes ont été blessées légèrement (trois policiers, trois manifestants et une riveraine).

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