
(Xinhua/Jean Pierre Kepseu)
YAOUNDE, 4 octobre (Xinhua) -- Les régions anglophones du Cameroun, ravagées par le séparatisme armé depuis 2017, devraient bénéficier d'un "statut spécial", ont proposé vendredi les participants au dialogue national à l'issue de quatre jours de délibérations.
Dans le rapport final lu vendredi par Felix Mbayu, rapporteur général du dialogue, un statut spécial a été évoqué au profit des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en conformité avec la constitution camerounaise qui prescrit que "la loi peut tenir compte des spécificités de certaines régions dans leur organisation et leur fonctionnement".
La décentralisation devrait être accélérée, les zones touchées par le conflit devraient être reconstruites et développées, et les victimes de la crise indemnisées. De surcroît, les systèmes éducatif et judiciaire seraient également restructurés pour refléter la nature bilingue et multiculturelle du Cameroun, d'après le rapport final.
Ces propositions seront ensuite évaluées par le président camerounais Paul Biya, qui avait convoqué ce dialogue le 10 septembre. M. Biya a salué vendredi via Twitter les contributions des participants au dialogue, et a assuré que toutes les recommandations "feront l'objet d'un examen attentif et diligent dans la perspective de leur mise en oeuvre".
Le chef du principal parti d'opposition Social Democratic Front (SDF), John Fru Ndi, a déclaré à Xinhua que ces propositions constituaient un pas en avant vers le rétablissement de la paix dans les régions anglophones, où le SDF est profondément enraciné.
"Nous espérons que les recommandations seront mises en œuvre avec un effet immédiat pour mettre fin aux drames dans les régions", a indiqué M. Ndi.
"Toutes les propositions ne peuvent pas être appliquées pour le moment. Certaines le seront immédiatement, d'autres prendront du temps", a déclaré à Xinhua le ministre camerounais de la Communication et porte-parole du gouvernement René Sadi, qui les a qualifiées "d'historiques".
Selon le Premier ministre camerounais Joseph Dion Ngute, coordinateur du dialogue, les recommandations ont été formulées à partir de plus de 1.000 propositions de Camerounais de tous les horizons, faisant ainsi preuve de la capacité du peuple camerounais de résoudre par eux-mêmes leurs problèmes.
"Les propositions (...) ne peuvent être mises en œuvre que dans un climat de paix et de sécurité. Je renouvelle l'offre de paix, en particulier à ceux qui ont choisi de s'exprimer par la violence et le terrorisme. Je les invite donc à déposer les armes", a-t-il déclaré vendredi dans son discours marquant la clôture du dialogue.
L'un des moments forts des discussions était la présence d'une quarantaine d'ex-combattants séparatistes qui ont déposé les armes "pour donner une chance à la paix".
"Nous espérons que ces recommandations seront mises en œuvre afin de faire cesser la guerre", a déclaré l'un des anciens combattants connu sous le nom de "Commandant Shey".
Jeudi, en parallèle avec le dialogue, le président Biya a ordonné la libération de 333 détenus anglophones.
"C'est un gros signal. Cela pourrait contribuer au retour à la paix et à la normalité dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest", a déclaré M. Sadi.
Certains dirigeants des séparatistes, principalement basés à l'étranger, ont pourtant rejeté les propositions qu'ils ont qualifiées de "non pertinentes" et de "plaisanterie", en promettant de poursuivre la lutte armée.
La minorité anglophone représente environ 20% de la population camerounaise. Depuis 2016, des Camerounais anglophones protestent contre la marginalisation de la part du pouvoir central dont ils estiment être victimes.
Une mouvance sécessionniste armée est née en octobre 2017. Son objectif est de créer un Etat indépendant regroupant les deux régions anglophones du pays, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Depuis, plus de 530.000 habitants ont fui leurs foyers situés dans les régions anglophones, selon l'ONU, qui estime que quelque 1,3 million d'habitants ont besoin d'assistance humanitaire.