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Des raisons de stratégie de politique intérieure sont la cause du retrait américain de l'Accord de Paris (ANALYSE)

French.xinhuanet.com | Publié le 2017-06-03 à 03:20

PARIS, 2 juin (Xinhua) -- Le retrait américain de l'Accord de Paris sur le climat annoncé jeudi par le président Donald Trump n'est pas une surprise. Au-delà de l'émotion et de l'onde de choc provoquées par cette décision vivement critiquée, sa mise en œuvre ne devrait pas remettre fondamentalement en question la dynamique mondiale engagée en matière de lutte contre le changement climatique. D'autant que Donald Trump se heurte à de très fortes oppositions, non seulement à l'échelle internationale mais aussi dans son propre pays.

Le président américain entend mettre fin à l'engagement de son prédécesseur Barack Obama qui avait fixé une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28% d'ici 2025 par rapport à 2005 dans le cadre de l'accord historique, conclu fin 2015 à Paris sous l'égide de l'ONU, signé par 195 pays et ratifié par 147 pays. Donald Trump remet en cause le financement américain du fonds vert pour le climat.

Le président américain prend cette décision pour des raisons de stratégie de politique intérieure, a affirmé Marie-Cécile Naves, sociologue chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) de France.

"Il s'est fait élire sur une posture, une idéologie 'seul contre tous'. On s'y attendait, on avait des signaux importants avec la remise en cause du Clean Power Plan de 2015 d'Obama avec la relance de la construction de l'oléoduc, avec la baisse dans le budget fédéral de l'aide au développement international", a-t-elle argumenté, avant d'asséner que "les gens comme Trump vivent en 1950, ils ne comprennent pas le monde dans lequel on est aujourd'hui, ils ne voient pas les enjeux à long terme, y compris ceux économiques".

"Après des semaines d'intenses négociations entre ses conseillers pro et anti, le président américain a donc tranché. Il n'y a aucune surprise dans la prise de position du président américain dans la mesure où, pour lui, le changement climatique est une vaste blague, ce qui correspond d'ailleurs assez largement à l'orthodoxie de son parti. Depuis la nomination de Scott Pruitt à la tête de l'Agence américaine de protection de l'environnement, rien ne pouvait laisser croire à un infléchissement de sa position", a expliqué quant à lui Jean-Eric Branaa, maître de conférences en politique et société américaines à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

"L'heure est désormais au symbole et à la mise en scène, et Donald Trump fait de cette question une célébration de sa présidence. Il la met en scène jusqu'à l'outrance, multipliant annonces et tweets depuis quelques jours, comme une maison de production fait du teasing pour sa dernière création!", a-t-il relevé.

Selon lui, il est difficile en réalité de connaître les convictions profondes du président sur le sujet et il n'est même pas exclu qu'il n'en ait aucune.

"On doit donc se contenter des remarques formulées par son entourage, très largement composé de climato-sceptiques assumés", a indiqué M. Branaa.

"Donald Trump se pose en victime, mais aucun des chiffres qu'il cite ne sont vraiment sous-tendus par la réalité. Il ne veut rien entendre", a noté de son côté le géographe Gabriel Wackermann, professeur émérite à la Sorbonne.

"Des Etats américains très importants, de grandes villes et des multinationales très puissantes de son pays sont pourtant montés au créneau et ont engagé une résistance qui pourrait bien devenir massive", a-t-il poursuivi.

Si cette annonce reste "un signal très négatif" qui "fragilise la dynamique enclenchée par la COP21", l'Accord de Paris devrait tenir, selon le directeur du programme climat à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) David Levaï.

"Les autres pays ont montré leur engagement, on l'a vu lors des négociations à Bonn et au G7", a-t-il expliqué.

"Il n'y aura pas d'effet domino", a estimé d'ailleurs le responsable climat et énergie au Fonds mondial pour la nature (WWF), Pierre Cannet.

"On sait depuis des mois qu'il y avait ce risque. Or la réaction de la communauté internationale a été de s'organiser. On a vu la Chine et l'Inde prendre du leadership, des rencontres se décider sans les Etats-Unis", a-t-il noté.

"En réalité, Trump prend surtout le risque de se retrouver face à un mur et de s'isoler", a ajouté M. Cannet.

Pour Christian de Perthuis, Professeur associé d'économie à l'université Paris-Dauphine et président du conseil scientifique de la Chaire économie du climat (CEC), "en réalité, les Etats-Unis ne sont déjà plus dans la partie. Donald Trump, au pouvoir depuis un peu plus de 100 jours, a déjà détricoté ce qui avait été fait par Obama en promouvant un retour à toutes les énergies fossiles".

"Cette annonce a au moins le mérite de la clarté. De ce point de vue, c'est plutôt un cadeau que fait Trump aux négociateurs. L'autre scénario, celui du passager clandestin comme je l'appelle, aurait été beaucoup plus complexe à gérer", a-t-il dis.

"Dans ce contexte, la Chine devient le pays qui porte l'Accord de Paris, l'acteur central. On a souvent donné une image extrêmement fausse de la Chine dans la négociation internationale, l'accusant d'être le plus gros pollueur. Or, elle n'a jamais atteint le niveau d'émission de CO2 par habitant des Etats-Unis et s'est engagée dans un changement majeur d'orientation", a souligné Christian de Perthuis.

Le retrait américain pose la question du financement des politiques de lutte contre le réchauffement mais la décision de Washington ne devrait pas trop peser sur la dynamique mondiale pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Pour Jean Foyer, co-auteur de Globalising the Climate, un livre collectif de recherche sur la COP21 qui vient de paraître, le monde connaît un processus de "climatisation", une avancée de la prise en compte du climat.

"Il y a une internalisation de la question climatique par une série d'acteurs: les instances religieuses, les paysans et les entreprises impliquées dans la climate smart agriculture ou dans la protection de la biodiversité. Le sujet climatique est devenu un méta-problème, comme la sécurité et le commerce", a-t-il estimé.

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