Jean-François Di Meglio (D), président du think tank européen Asia Centre, accorde une interview à Xinhua, le 13 mai 2017. (Xinhuanet/Wu Yaohui)
BEIJING, 14 mai (Xinhua) -- L'initiative chinoise "la Ceinture et la Route" peut être vue comme "une inversion du cours de l'Histoire" avec une Chine qui ne "s'intéresse plus seulement à son seul développement, mais qui se demande aussi ce qu'elle peut faire pour le reste du monde", estime dans un entretien à Xinhua Jean-François Di Meglio, président du think tank européen Asia Centre.
Interrogé à l'occasion du Forum de "la Ceinture et la Route" pour la coopération internationale, organisé dimanche et lundi à Beijing, l'expert français note que pour les Occidentaux, "même si la première Route de la soie historique était partagée entre l'Occident et l'Orient", elle était surtout vue comme allant "dans le sens de l'Ouest vers l'Est". Or là, "on a une initiative qui inverse le cours de l'Histoire. L'initiative, elle est prise, elle est définie et elle vient de l'Est, de la Chine".
Ce spécialiste de l'entreprise et de l'Asie juge que "ce qui est très neuf en fait, c'est déjà que c'est un moyen pour la Chine de dire 'Je ne m'intéresse plus seulement à ce qui se passe chez moi, je m'intéresse aussi à ce que je peux faire pour le reste du monde'". "Elle se juge suffisamment forte ou en tout cas prend le risque de sortir et de s'intéresser à ce qui est bon non seulement pour elle et ses entreprises, mais aussi à l'extérieur et éventuellement participe à une reconfiguration géopolitique" où elle serait "au centre de cela ou en tout cas à l'origine de ça".
Si le secteur ayant le plus de potentiel est "clairement" celui des infrastructures, M. Di Meglio en voit deux autres "dont il ne faut pas négliger l'importance" : la définition de normes communes et le numérique. Sur ce dernier point, "on sait que la Chine est en train de construire des géants digitaux avec ses GAFA chinois, son BATX comme on dit" (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), qui "vont forcément être impliqués. Il y a une Route de la soie digitale à laquelle il faut penser aussi, chose à laquelle on n'a pas encore vraiment pensé".
Outre les défis géopolitiques, notamment dans l'Asie centrale "qui n'est pas totalement stabilisée" avec des dirigeants "qui sont plutôt en voie d'être renouvelés", il y a aussi "un énorme défi de financement". Si jusqu'à présent, la Chine n'a jamais buté sur un problème de financement, là, "on va quand même changer d'échelle et là, les financements, il va probablement falloir impliquer des tiers. On sait bien qu'il y a des instruments qui ont été créés pour ça", dit-il en citant la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (BAII) et la Nouvelle banque de développement.
Mais Jean-François Di Meglio conseille aussi à la Chine de sortir de "cette internationalisation intermittente ou prudente de la devise chinoise". Le yuan ou renminbi (RMB) "va être un des instruments principaux de toutes ces initiatives et en même temps, elle ne circule pas librement aujourd'hui". "C'est peut-être l'une des solutions à ce que j'appellerai l'impasse du soft power chinois", ajoute-t-il, en estimant que la Chine ne l'a pas encore assez développé. "Si effectivement on prend conscience d'ici 2049 ou même avant qu'elle est en train de faire du bien à un certain nombre de pays et que cette intégration, cette espèce de communauté de vues, progresse, c'est peut-être la résolution de cette impasse".
En fin de compte, l'expert "pense que la question qu'il faut que l'on se pose mutuellement, c'est quel type de partenaire la Chine préfère avoir : des partenaires qui la considèrent comme un égal, mais qui comprennent aussi les spécificités de la Chine, et quel partenaire chinois les Occidentaux, par exemple, préfèreraient avoir. Il faut que mutuellement on se pose la question et on se comprendra mieux. Aujourd'hui, on a l'impression qu'on arrive en tant que Chinois ou qu'Occidental dans le camp de l'autre sans avoir encore posé cette question".