RDC : à Uvira (est), les traces de guerre encore à vif malgré un calme précaire sous surveillance (REPORTAGE) - Xinhua - french.news.cn

RDC : à Uvira (est), les traces de guerre encore à vif malgré un calme précaire sous surveillance (REPORTAGE)

French.news.cn | 2025-12-14 à 11:22

UVIRA (RDC), 13 décembre (Xinhua) -- Sur l'axe stratégique reliant Bukavu à Uvira, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les traces des récents combats restent largement visibles, après une série d'offensives menées par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), qui ont affirmé avoir pris mercredi le contrôle de la ville d'Uvira, ville stratégique de la province du Sud-Kivu.

Carcasses de véhicules militaires calcinées, bâtiments criblés d'impacts, positions abandonnées et débris métalliques jonchant la chaussée témoignent de la violence des affrontements opposant le M23 aux Forces armées de la RDC (FARDC) sur cet axe vital reliant le nord et le sud de la province.

"ON A FUI AVEC CE QU'ON POUVAIT"

Depuis le 2 décembre, la province du Sud-Kivu est le théâtre d'affrontements sur plusieurs fronts. Le mouvement rebelle M23 a affirmé mercredi avoir pris le contrôle de la ville stratégique d'Uvira, déclenchant un déplacement massif de populations à l'intérieur de la province, estimé à environ 500.000 personnes depuis le 2 décembre, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

Les autorités congolaises font état de plus de 400 morts depuis le début de la nouvelle vague de combats. Dans le même temps, le Burundi a annoncé la fermeture de ses postes frontaliers avec la RDC, tous situés dans le Sud-Kivu, une décision qui accentue une crise humanitaire déjà sévère.

Depuis Kamanyola, une cité située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, le paysage donne le ton. Le long de la route, des véhicules militaires reposent encore sur les bas-côtés, calcinés ou éventrés. Par endroits, la circulation demeure périlleuse : des engins explosifs non explosés restent visibles à proximité immédiate de la chaussée.

Les traces du conflit se multiplient au fil des kilomètres: débris métalliques, abris de fortune, véhicules civils et militaires criblés d'éclats ou abandonnés dans la précipitation. Tout concourt à la même impression : celle d'une population prise au piège et d'un territoire qui a basculé en l'espace de quelques heures.

A Luvungi, un habitant rencontré sur la route du retour évoque, d'une voix encore marquée, les premières heures des combats : "Les bombardements ont commencé tôt mardi matin. On a fui avec ce qu'on pouvait". Revenu avec sa famille, il a dit croire à un apaisement relatif. Mais la frontière burundaise demeure fermée ; faute d'issue, le retour devient parfois la seule option.

De Luvungi à Luberizi, puis dans plusieurs villages jalonnant l'axe menant à Uvira, les scènes se répètent. La vie reste largement paralysée, malgré le retour timide de certains déplacés, qui avancent avec prudence et attendent que le silence s'installe un jour.

UVIRA : UN CALME PRECAIRE SOUS SURVEILLANCE

A l'entrée d'Uvira, un calme fragile semble s'installer après plusieurs jours de fortes tensions. Les activités restent largement paralysées, mais la ville n'est pas totalement figée : des habitants réapparaissent peu à peu, sortent prudemment de leurs maisons, comme pour jauger l'évolution de la situation. Quelques commerces rouvrent, tandis que les marchés commencent lentement à se réorganiser.

Cette reprise timide s'effectue toutefois sous la présence militaire omniprésente. Des combattants du M23 sont visibles en grand nombre dans la ville. Ils occupent les principaux carrefours, contrôlent les axes routiers et sont déployés autour des bâtiments jugés stratégiques. Uvira fonctionne de nouveau, mais sous étroite surveillance.

Uvira, deuxième ville de la province, a assumé le rôle de centre administratif provisoire après la prise de Bukavu, capitale provinciale, par le M23 en février.

Dans plusieurs quartiers de la ville ainsi que dans des villages situés à sa périphérie, des corps sans vie de personnes non identifiées ont été récupérés ces derniers jours, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), chargé des opérations. Les circonstances exactes de ces décès restent difficiles à établir, dans un contexte où l'accès à certaines zones demeure limité et où les informations disponibles sur place sont difficiles à vérifier.

Interrogé par Xinhua à Uvira, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, a fait savoir que des enquêtes seraient menées afin de déterminer les causes exactes de ces décès.

Selon lui, les combats n'ont pas directement opposé les forces du M23 et les FARDC à l'intérieur même de la ville, ajoutant que la majorité des militaires congolais auraient quitté Uvira à l'arrivée des combattants rebelles.

Sur le plan régional, la situation demeure extrêmement instable.

Vendredi, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le secrétaire général adjoint de l'ONU, Jean-Pierre Lacroix, a déploré que la RDC restait confrontée à une crise sécuritaire et humanitaire profonde, dans laquelle les populations civiles demeuraient les premières victimes.

Il a averti que la nouvelle offensive menée par le M23 dans le Sud-Kivu avait "réveillé le spectre d'un embrasement régional aux conséquences incalculables". Selon lui, les évolutions récentes font peser "un risque sérieux de fragmentation de la RDC, notamment dans sa partie orientale", ajoutant que "le conflit connaissait une régionalisation de plus en plus marquée."

M. Lacroix a également souligné que l'implication directe ou indirecte de forces et de groupes armés issus de pays voisins, conjuguée aux mouvements transfrontaliers de populations déplacées et de combattants, accroissait "considérablement le risque d'un embrasement régional". Une évolution qui, a-t-il insisté, ne menace pas uniquement l'est de la RDC, mais l'ensemble de la région africaine des Grands Lacs.

Entre le 5 et le 9 décembre, environ 38.000 demandeurs d'asile originaires de l'est de la RDC ont franchi la frontière pour se réfugier au Burundi, fuyant l'insécurité, a rapporté mercredi la Radio-Télévision nationale du Burundi (RTNB).

Selon le gouvernement congolais, la présence de forces hostiles à Uvira a conduit à la fermeture de la frontière avec le Burundi, interrompant un couloir vital d'approvisionnement en vivres, carburants et produits de première nécessité, et faisant craindre des pénuries.

Vendredi, le gouvernement congolais a indiqué que des démarches étaient à venir en collaboration avec le Burundi pour un couloir humanitaire temporaire. Fin

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