NAIROBI, 29 mai (Xinhua) -- Dans l'ouest du Kenya, le producteur de maïs Josephat Ouma arpente ses rangées de tiges à feuilles vertes, le smartphone à la main. Il marque une pause et se penche pour prendre en photo une feuille à l'air malade.
"Avant, je devais attendre que quelqu'un vienne m'aider. Parfois personne ne venait. Maintenant il me suffit de prendre une photo, et l'application me dit ce qui ne va pas", explique-t-il à Xinhua.
Comme M. Ouma, des milliers de petits exploitants agricoles au Kenya se tournent vers la technologie pour faire face aux maladies qui peuvent toucher leurs cultures et réduire leurs rendements.
Dans une région où les services d'aide traditionnels sont en grande tension, avec parfois un agent seulement pour 1.500 agriculteurs, les outils abordables qu'offrent l'intelligence artificielle (IA), les applications mobiles et les groupes WhatsApp apparaissent comme des soutiens indispensables.
L'un de ces outils s'appelle PlantVillage Nuru, une application gratuite développée par les chercheurs de l'université de Pennsylvanie aux Etats-Unis, qui emploie l'IA pour analyser des photos de cultures et diagnostiquer instantanément des maladies telles que la nécrose létale du maïs ou la mosaïque du manioc.
Elle fonctionne hors-ligne et prend en charge les langues locales, ce qui la rend particulièrement utile dans les zones rurales. "Cette appli est facile à utiliser, même pour des agriculteurs peu lettrés", indique un agent de services agricoles du comté de Kakamega dans l'ouest du Kenya, qui travaille en étroite collaboration avec les petits exploitants utilisant cette application.
Dans tout le Kenya, des groupes WhatsApp locaux font désormais office de réseaux de services miniatures.
Les agricultures y partagent alertes sur les nuisibles, conseils dans la gestion des cultures, et photos des récoltes affectées, permettant à d'autres membres de fournir collectivement des diagnostics et solutions. "C'est comme une clinique de jour", explique James Otieno, cultivateur de maïs proche du comté de Kisumu dans l'ouest du Kenya. "Tu te lèves, tu regardes sur ton groupe et tu vois ce à quoi d'autres personnes sont confrontées".
Dans le comté de Bungoma, Catherine Wanjala a subi des pertes répétées à cause de la striga, également surnommée herbe des sorcières, une plante parasite qui s'attaque aux racines du maïs et du sorgho.
Les méthodes traditionnelles, telles que l'usage d'herbicides ou la rotation des cultures, avaient échoué. Elle a alors adopté un bioherbicide fongique qui lui a permis d'augmenter considérablement ses rendements.
"Avant l'utilisation de ce bioherbicide, mon maïs était faible et jaune. Il poussait à peine", raconte Mme Wanjala à Xinhua. "Après ce traitement, la différence a été spectaculaire".
Les organisations agricoles sont également à la pointe de l'adoption du numérique.
L'initiative Tupande, menée au Kenya par le One Acre Fund, a intégré l'IA et l'apprentissage machine dans ses services pour améliorer les recommandations au niveau du terrain.
"Nous utilisons des systèmes avancés pour ajuster les conseils en fonction des données au niveau des fermes telles que la moisissure des sols et la productivité", explique Makandi Laiboni, directeur de la stratégie numérique chez Tupande. "Même un changement simple, comme optimiser les dates de plantation, peut permettre de réduire sensiblement les coûts et d'augmenter les rendements."
L'application mobile de Tupande, qui compte près de 150.000 utilisateurs à ce jour, est particulièrement populaire chez les jeunes de 18 à 35 ans.
"Toucher les jeunes agriculteurs est essentiel pour l'avenir de l'agriculture", ajoute Karigu Ekumbo, spécialiste des communications auprès du One Acre Fund. "Ils sont plus réceptifs aux outils numériques et contribuent à renforcer notre impact dans les régions rurales comme urbaines".
Des barrières subsistent toutefois, observe M. Ekumbo. Par exemple, les femmes ne représentent que 30% des utilisateurs de l'application de Tupande. "Ce chiffre est au-dessus de la moyenne nationale, toutefois réduire le fossé entre les genres est une priorité dans les technologies de l'agriculture, ce que nous faisons en ajustant nos services pour les agricultrices", selon M. Ekumo.
Une étude récente de l'Institut kenyan pour la recherche et l'analyse des politiques publiques estime que seules 20% à 30% des femmes agricultrices kényanes ont adopté les technologies agricoles numériques.
Cette adoption limitée montre une faille significative dans la montée en niveau de ces services, qui offrent un potentiel immense d'amélioration de la productivité, de la rentabilité et de l'accès au marché pour les petits exploitants agricoles.
"Avant nous ne pouvions qu'attendre et espérer. Maintenant nous pouvons savoir et agi", commente M. Ouma, après avoir inspecté son champ. "Ce n'est pas de la magie. Ce sont juste de bonnes informations". Fin
