Pourquoi "l'ordre mondial fondé sur des règles" de Washington est un mythe - Xinhua - french.news.cn

Pourquoi "l'ordre mondial fondé sur des règles" de Washington est un mythe

French.news.cn | 2023-05-09 à 04:32

BEIJING, 8 mai (Xinhua) -- Ces dernières années, au cours de diverses conférences de presse, discussions bilatérales et réunions internationales, le président américain Joe Biden et d'autres hauts responsables américains ont invoqué à plusieurs reprises un "ordre mondial fondé sur des règles", soulignant l'urgence et la nécessité de le préserver.

Cette expression reste cependant un mythe, les décideurs à Washington n'ayant jamais pris la peine de préciser quelles sont exactement ces règles ou qui les a établies. Peut-être veulent-ils simplement que cela reste ainsi.

UNE AMBIGUITE INTENTIONNELLE

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il a été largement reconnu qu'il n'y avait qu'un seul ordre international, l'ordre fondé sur le droit international, et un seul ensemble de règles, les normes fondamentales régissant les relations internationales, qui sont sous-tendues par les buts et principes de la Charte des Nations Unies. Dans ces traités et documents historiques, il n'est fait aucune mention de ce prétendu "ordre fondé sur des règles".

Ce terme flou n'est pas une invention de l'administration américaine actuelle. Dans une enquête basée sur l'outil de recherche Google Ngram, Paul Poast, professeur associé du Département de sciences politiques de l'Université de Chicago, a découvert que l'expression avait commencé à apparaître à la fin des années 1980, et que son utilisation s'était répandue entre le début et le milieu des années 2000. Cela est sans doute partiellement lié à à l'invasion de l'Irak en 2003, une guerre qui s'est déroulée sans l'autorisation de l'ONU.

La guerre en Irak est un exemple classique de la raison pour laquelle les Etats-Unis ont inventé ce slogan : essayer de semer la confusion dans la communauté mondiale et de s'affranchir des contraintes du droit international.

En réalité, le gouvernement américain a pour tradition de placer ses législations nationales au-dessus du droit international, et applique de manière sélective les règles internationales. Washington a ainsi promulgué des lois nationales comme l'International Emergency Economic Powers Act ("Loi internationale sur les pouvoirs économiques d'urgence"), le Global Magnitsky Human Rights Accountability Act ("Loi Magnitsky globale sur la responsabilité en matière de droits humains") et le Countering America's Adversaries Through Sanctions Act ("Loi pour contrer les adversaires de l'Amérique par les sanctions") afin de cibler et de sanctionner des pays, des entités ou des individus spécifiques.

Les règles ambiguës énoncées dans ces lois et décrets, comme la "règle des contacts minimums" et la "doctrine des effets", sont une extension délibérée du champ d'application des lois nationales des Etats-Unis.

Pendant plus de six décennies, malgré des dizaines de résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies, les Etats-Unis ont maintenu un blocus global contre Cuba. Il s'agit de l'embargo commercial systémique le plus long et des sanctions financières les plus dures de l'histoire moderne. Ce blocus est basé sur leurs politiques d'embargo et sur leurs propres lois nationales, comme la loi Torricelli et la loi Helms-Burton, et a entraîné plus de 100 milliards de dollars de pertes directes pour l'économie cubaine.

"L'ordre fondé sur des règles est différent du droit international. C'est un régime alternatif échappant au droit international, qui défie et menace inévitablement le droit international", a déclaré dans un éditorial John Dugard, professeur de droit international à l'Université néerlandaise de Leiden.

Alexander Gousev, directeur de l'Institut russe de planification et de prévision stratégiques, a quant à lui fait valoir que les Etats-Unis gardaient délibérément vague leur définition de "l'ordre international fondé sur des règles", dans la mesure où moins ces soi-disant règles sont précises, plus il leur est facile de les manipuler.

IMPOSER SA VOLONTE

Alors que les Etats-Unis ne cessent de souligner la nécessité de maintenir un ordre mondial "fondé sur des règles", ils accusent des pays comme la Chine et la Russie de représenter un défi à cet ordre. Ce terme est en outre de plus en plus instrumentalisé pour réprimer les nations qu'ils considèrent comme une "menace" à leur poursuite de l'hégémonie mondiale.

Les hautes technologies constituent l'un des principaux domaines dans lesquels les Etats-Unis se battent bec et ongles pour maintenir leur domination. Considérant la Chine comme un concurrent stratégique, le gouvernement américain cherche notamment à limiter l'accès de la Chine aux technologies critiques de l'Occident.

Sous prétexte de "sécurité nationale", l'administration Biden a ainsi mis sur liste noire de nouvelles entreprises de technologie chinoises, imposé des limites à la vente de technologies de pointe liées aux puces à des entreprises chinoises, et contraint nombre de ses alliés traditionnels à lui emboîter le pas.

Pour encercler la Chine dans la région Asie-Pacifique - ou selon les mots du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, pour "façonner l'environnement stratégique autour de Beijing" - Washington prétend défendre un ordre international "fondé sur des règles", tout en créant des alliances comme l'AUKUS et le Quad, obligeant ainsi les pays de la région à choisir leur camp et mettant en péril la paix et la sécurité régionales.

Selon Stephen M. Walt, professeur de relations internationales à l'Université de Harvard, les Etats-Unis sont toujours prêts à "ignorer, éluder ou réécrire les règles quand elles semblent gênantes".

Prenons l'exemple du commerce mondial. Les données officielles montrent que les Etats-Unis sont responsables des deux tiers des violations des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le commerce mondial. Comme Washington perdait fréquemment ses litiges devant l'OMC, les Etats-Unis ont tenté de renverser le mécanisme de règlement des différends de l'organisation en bloquant la nomination de nouveaux juges.

L'ancien président américain Barack Obama a directement exprimé le droit de l'Amérique à élaborer ses propres règles. "Nous devons nous assurer que ce soit l'Amérique qui écrive les règles de l'économie mondiale. Nous devons le faire aujourd'hui, pendant que notre économie est en position de force mondiale", a-t-il déclaré en 2015.

UNE EVOLUTION IRREVERSIBLE

Le monde connaît actuellement une évolution drastique et irréversible vers la multipolarité. L'essor de nombreuses économies émergentes à travers le monde est considéré par beaucoup comme le signe d'un relatif déclin de l'Occident.

Wang Honggang, directeur de l'Institut d'études américaines des Instituts chinois des relations internationales contemporaines, a fait valoir que lorsque les puissances hégémoniques étaient en déclin, elles commencent à mettre l'accent sur les règles.

Avec la montée collective des pays non occidentaux et l'évolution constante de la situation internationale, les Etats-Unis et leurs partenaires occidentaux tentent de ralentir la transition vers un monde multipolaire en mettant en avant des règles ambiguës, a-t-il ajouté.

Selon la vision colonialiste de Washington, l'Occident, et en particulier les Etats-Unis, devrait monopoliser les industries de haute technologie à bas coût et à haute valeur ajoutée, tandis que le reste du monde devrait être relégué à vivre d'emplois moins sophistiqués et à faible valeur ajoutée, comme la fabrication bas de gamme.

Techniquement, "tout ordre est par définition basé sur des règles, car s'il n'y a pas de règles, la conséquence est l'anarchie, pas l'ordre", a souligné Bilahari Kausikan, ancien secrétaire permanent du ministère des Affaires étrangères de Singapour et président de l'Institut du Moyen-Orient de l'Unversité nationale de Singapour.

Dans un monde multipolaire, les règles ne doivent cependant pas être établies par la force ou la menace, et un ordre centré sur les Etats-Unis ne sera certainement pas accepté.

"Le nouvel ordre, qui reflète une répartition du pouvoir plus multipolaire et multicivilisationnelle, ne sera pas construit par Washington et pour Washington. Il ne sera pas simplement le reflet des valeurs et des intérêts américains", a déclaré Andrew Latham, professeur de relations internationales et de théorie politique au Macalester College du Minnesota, cité par The Hill.

Le nouvel ordre qui émergera dans les années à venir reflétera plus probablement les visions nationales respectives de ces nouveaux pôles, qui exigeront d'avoir leur mot à dire sur ce à quoi doivent ressembler les nouvelles règles, normes et institutions de la gouvernance mondiale, a suggéré M. Latham.

"Un ordre international fondé sur la Charte des Nations Unies et sur le droit international tel qu'il a évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est une recette plus solide pour la paix qu'un 'ordre international fondé sur des règles' amorphe et discriminatoire", a affirmé M. Dugard.

Naviguer à travers ce nouveau système multipolaire ne sera pas facile, a écrit dans un article d'opinion Daniel Araya, chercheur au Centre pour l'innovation en matière de gouvernance internationale, un groupe de réflexion canadien. "Le poids croissant des économies émergentes exige désormais une représentation adéquate", a-t-il affirmé. Fin

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