NEW YORK, 27 février (Xinhua) -- Dans la matinée du 13 février 2022, Christina Yuna Lee, une Américaine d'origine asiatique de 35 ans, a été retrouvée morte dans sa salle de bains, poignardée à 40 reprises après qu'un homme, Assamad Nash, l'a suivie en silence pendant six étages dans son appartement du sud de Manhattan, uniquement à cause de son origine asiatique.
Suite à ce meurtre violent, des personnes endeuillées ont disposé des fleurs, des bougies, des photos et des écrits condamnant la haine contre les Asiatiques devant l'immeuble résidentiel. Cependant, ce mémorial de fortune à la victime américano-coréenne a été vandalisé à plusieurs reprises.
Chaque attaque contre le mémorial est clairement anti-asiatique et "c'est vraiment effrayant maintenant", a commenté Brian Chin, l'ancien propriétaire de Mme Lee, dont la famille est venue de Chine aux Etats-Unis il y a six décennies. "Ils le font avec haine".
Cette tragédie et des incidents racistes similaires ne sont que le sommet de l'iceberg en matière de racisme anti-asiatique aux Etats-Unis.
Depuis le début de la pandémie de nouveau coronavirus, certains dirigeants américains ont ouvertement propagé et amplifié des théories du complot pour rejeter sur les Américains d'origine asiatique la responsabilité de leur réponse ratée à la pandémie, provoquant une hausse des crimes de haine contre ces derniers.
Plus de trois ans après le début de la pandémie, le gouvernement américain, ignorant la science et les faits, a récemment pris des restrictions discriminatoires ciblant les voyageurs en provenance de Chine, ce qui fait craindre une nouvelle aggravation de la situation.
ILS N'OSENT PLUS SORTIR
Ces dernières années, des attaques racistes choquantes contre des Américains d'origine asiatique se sont produites fréquemment aux Etats-Unis.
Par exemple, le 14 juillet 2020, à New York, une Sino-américaine de 89 ans a été giflée par deux inconnus dans la rue et lorsqu'elle a tenté de s'échapper, ils ont mis le feu à ses vêtements par derrière.
Le 30 août 2021, une Philippine âgée a été poussée par un Blanc dans les escaliers de la station de métro Rego Park dans le quartier du Queens, à New York, ce qui lui a causé de graves blessures au visage et au corps.
Jenny H., la soixantaine, vit à San Francisco depuis plus de 30 ans. Elle n'a pas souhaité donner son nom de famille à Xinhua de peur qu'elle ne redevienne la cible d'agressions raciales après l'interview.
Avant, elle aimait sortir, faire du bénévolat, parler à des inconnus dans le bus... Mais une telle vie n'est plus qu'un lointain souvenir pour elle.
En 2020, elle a subi des fractures dans une station de métro après que quelqu'un l'a violemment poussée au sol. Elle a aussi été une fois frappée au visage par le passager d'un bus, lui laissant des dommages permanents à l'œil. Désormais, elle doit se rendre à l'hôpital tous les trois mois pour une visite médicale, mais en dehors de ces rendez-vous, elle n'ose plus sortir sur fond de montée de l'asiaphobie.
Certains dirigeants américains portent une grande responsabilité dans cette situation, car ils ont tendance à faire de la communauté asiatique un bouc émissaire et à attiser délibérément la xénophobie et le racisme pour dissimuler leur propre incompétence à résoudre les problèmes politiques nationaux.
Haipei Shue, présidente du Conseil national des Américains d'origine chinoise, un groupe de défense des Américains d'origine asiatique, a déclaré à Xinhua que les Etats-Unis régressaient dans leur lutte contre la discrimination raciale à un rythme alarmant.
En 2021, les crimes de haine contre les Américains d'origine asiatique ont augmenté de 339% par rapport à 2020, selon les données du Centre d'études sur la haine et l'extrémisme (CSHE) de l'Université de Californie à San Bernardino.
Entre mars 2020 et décembre 2021, près de 11.000 incidents haineux contre des Américains d'origine asiatique et des îles du Pacifique ont été signalés à la coalition nationale Stop Asian American and Pacific Islander Hate. Dans un incident sur cinq, l'agresseur a attribué son acte à l'impact de la pandémie, la volatilité des revenus ou d'autres sujets liés aux Asiatiques et aux Américains d'origine asiatique.
En mars 2021, Robert Aaron Long, un Blanc de 21 ans, a ouvert le feu dans trois magasins et salons de massage asiatiques à Atlanta, tuant huit personnes, dont six femmes asiatiques.
Lors d'un discours à l'Université Emory d'Atlanta, la vice-présidente américaine Kamala Harris a jugé que "le racisme est réel en Amérique et il a toujours été là. La xénophobie est réelle en Amérique et l'a toujours été". " Les Américains d'origine asiatique ont été attaqués et pris pour boucs émissaires", a-t-elle dénoncé.
En mai 2021, le président américain Joe Biden a signé la loi COVID-19 sur les crimes haineux. Pourtant, une étude publiée par le centre de recherche Pew en mai 2022 a montré qu'environ six adultes asiatiques sur dix considèrent les violences contre les Américains d'origine asiatique aux Etats-Unis comme en augmentation, tandis que 19% disent qu'il n'y a pas eu beaucoup de changement.
C'EST UN PROBLEME PROFOND
En début d'année, le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a institué des restrictions d'entrée discriminatoires à l'encontre de la Chine, obligeant les voyageurs venant de ce pays à fournir des résultats de test COVID-19 négatifs effectués dans les deux jours avant leur départ, ou une preuve de guérison de la maladie dans les 90 jours précédents.
Jonathan Reiner, professeur de médecine et de chirurgie à la faculté de médecine de l'Université George Washington, a réagi sur Twitter en estimant que tout ceci n'était que "principalement performatif", n'y voyant là que "juste un geste".
Cette politique là n'est pas le principal souci, mais c'est plutôt l'environnement anti-chinois plus large dans lequel cette règle a été imposée. Et c'est un problème qui va au-delà de la pandémie, a déclaré John Yang, PDG d'Asian Americans Advancing Justice, un collectif d'organisations de défense des droits civiques.
"On craint que ce soit un domaine de plus servant d'excuse pour dénigrer la Chine et provoquer ainsi une réaction violente contre les Américains d'origine chinoise et la communauté américaine d'origine asiatique dans son ensemble", a-t-il dit.
Environ une semaine après l'entrée en vigueur de ces restrictions, une étudiante asiatique de 18 ans de l'Université de l'Indiana à Bloomington a été attaquée et poignardée à plusieurs reprises à la tête par une Blanche de 56 ans dans un bus. La suspecte a déclaré à la police que sa cible était "chinoise" et que "ce serait une personne de moins pour faire exploser notre pays".
Huping Ling, un historienne américaine de renom spécialisée dans les études sur les Américains d'origine asiatique, estime que les violences xénophobes contre les Américains d'origine asiatique ont de profondes racines historiques aux Etats-Unis. Elle a souligné dans son livre "Asian American History and Culture: An Encyclopedia" (en français "Histoire et culture des Américains d'origine asiatique, une encyclopédie") que, alimentées par des lois et des politiques racistes et discriminatoires, les violences xénophobes ont commencé avec la première vague d'immigrants chinois et se sont répétées depuis.
Li Minjin, un écrivain américain d'origine asiatique qui a grandi dans le Queens, à New York, a déclaré dans une interview à la presse américaine que peu importe le degré d'éducation des Américains d'origine asiatique ou le niveau de sécurité de leurs communautés, tous sont susceptibles de subir des insultes et des attaques, voire être tués. Pour lui, c'est le résultat historique d'une persécution à long terme de la communauté asiatique.
Certains chercheurs soutiennent que, contrairement à la discrimination contre les Afro-Américains, celle visant les Américains d'origine asiatique dans la société américaine a été historiquement xénophobe. A la base, depuis ses racines psychologiques, se trouve une volonté d'"aliénation permanente des Asiatiques".
L'historienne sino-américaine Erika Lee a écrit dans le livre "The Making of Asian America: A History" (en français "La fabrication de l'Amérique asiatique : une histoire") que si les lois discriminatoires du passé ont été abrogées, les Américains d'origine asiatique n'ont pas atteint la pleine égalité dans la société américaine. De nombreux Asiatiques sont installés aux Etats-Unis depuis des générations, mais sont toujours considérés comme des étrangers, ce qui a permis la discrimination à leur encontre et fait d'eux la cible de violences, de meurtres et de crimes de haine.
L'écrivaine et journaliste sino-américaine Katherine Chen a admis dans un texte que pendant de nombreuses années, elle s'est sentie comme une étrangère aux Etats-Unis, sans autre choix que de s'éloigner de ses traditions ethniques et de sa culture. Des Américano-asiatiques ont été battus, poignardés ou poussés sur les voies du métro, mais "ce qui nous est arrivé n'a pas été remarqué par nos pairs, ni dans les manuels d'histoire et dans les discours sur les droits civiques", a-t-elle écrit.
De façon plus large, le racisme anti-asiatique est une manifestation de la discrimination raciale systémique aux Etats-Unis. Comme les Afro-américains, les Latinos, les Amérindiens et d'autres minorités ethniques, les Asiatiques sont depuis longtemps l'objet de discriminations et d'oppression de la part des "suprémacistes blancs" aux Etats-Unis. Ils sont également victimes de la haine raciale et de l'antagonisme suscités par des responsables politiques américains qui agissent dans leur propre intérêt.
"Nous sommes une nation d'immigrants avec un passé de discrimination et d'exploitation des groupes minoritaires. Nous apprenons encore des erreurs du passé. Les Américains d'origine asiatique ont puissamment contribué au succès des Etats-Unis, mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour traiter les Américains d'origine asiatique comme des Américains", a noté le président du Comité des 100, Huang Zhengyu.
La lutte contre les paroles et les actes racistes de certains dirigeants envers la communauté américaine d'origine asiatique ainsi que contre les stéréotypes de longue date se livre au quotidien, a-t-il ajouté.
Zhang Yunhan, propriétaire d'un salon de thé à Washington, qui a fait l'objet d'une attaque anti-asiatique, pense que la flambée des crimes haineux suite à la pandémie de nouveau coronavirus est l'aboutissement du racisme qui sévit aux Etats-Unis depuis des siècles. "Ça ne va pas disparaître. C'est un problème profondément enraciné", a-t-il déclaré à Xinhua. Fin




