Le séquençage génétique en Chine attire des scientifiques d'ailleurs, selon un chercheur néerlandais (INTERVIEW)
Publié le 2015-05-14 à 07:24 | french.xinhuanet.com
STRASBOURG, 13 mai (Xinhua) -- "En effet, la Chine a tout récemment mis au point une énorme capacité de séquençage génétique, à tel point que de nombreux scientifiques en Europe et aux Etats-Unis envoient leurs échantillons à la Chine !" , a affirmé Dirk Stemerding, chercheur en chef en évaluation des technologies à l' Institut Rathenau aux Pays-Bas, en évoquant l'éthique scientifique et technologique lors d'un récent entretien avec Xinhua.
M. Stemerding, expert sur la façon dont l'éthique scientifique et technologique est exprimée dans les discours et en politique, a mis en lumière les succès de la Chine dans le champ de l'innovation afin d'illustrer les aspects positifs d'une tendance qu'il a perçue en Chine pour la recherche et le développement d'initiatives au niveau national.
Il a présenté des recherches au nom de l'Institut Rathenau lors d'une conférence au Conseil de l'Europe (CE) sur les technologies émergentes et les droits de l'homme à Strasbourg, les 4 et 5 mai derniers, et est également co-directeur de l'ouvrage "Science and Technology Governance and Ethics : A Global Perspective from Europe, India and China" (La gouvernance et l'éthique dans les domaines de la science et de la technologie : une perspective globale de l'Europe, l'Inde et la Chine) publié par Springer International Publishing en Suisse en 2015.
Avec ce livre, lui et ses confrères de Chine, d'Inde et du Royaume-Uni ont cherché à élaborer une étude comparative des discours éthiques autour de la science et de la technologie tels qu'ils ont été exprimés entre les différents pays. M. Stemerding a insisté sur le fait que les résultats de l'étude n'offrent cependant que des "aperçus" de certains débats éthiques représentés dans les sociétés examinées.
"La Chine et l'Inde sont des concurrents puissants en ce qui concerne la production de science et de technologie", affirme l'introduction de l'ouvrage en poursuivant sur la remarque que les deux pays comptabilisent à eux seuls la moitié de la population et un quart de la production économique mondiales.
"L'Europe, l'Inde et la Chine sont à différents niveaux de développement économique et social, mais toutes trois font face à des défis similaires au regard des problèmes éthiques en science et en technologie" , continue l'ouvrage.
En dépit de leurs défis semblables, les réponses des deux pays et de l'Europe varient, M. Stemerding et ses collègues ont alors remarqué des différences notables quant à l'approche adoptée et la réception.
"En Europe, les débats sur l'éthique se concentrent sur les conséquences potentielles - ou 'impacts' - de la science et la technologie pour les valeurs sociales et les droits fondamentaux, et ces débats sont fortement développés et institutionnalisés à la lumière d'un discours dominant sur le thème du 'risque'" , a-t-il dit.
Cette orientation peut mener à la favorisation des droits individuels par rapport au bien commun, a-t-il expliqué. Mais en Chine et en Inde, il repère une approche plus sociétale.
"En Chine et en Inde, les débats sur l'éthique sont d'abord liés aux agendas politiques - 'visées' - qui utilisent la science et la technologie pour servir l'intérêt du progrès sociétal (c'est-à-dire le bien commun)" , a-t-il déclaré.
Ces différences dans le discours impliquent un éventail de valeurs culturelles, "comme la richesse et l'harmonie en Chine" ou "l'accès et l'intégration en Inde" .
En Chine comme en Inde, l'étude a mené au fait que les débats autour de l'innovation sont plus susceptibles de demander à qui est destinée telle technologie, et à quels problèmes sociétaux elle pourrait espérer s'adresser.
"En Europe, nous avons toujours cette notion de science et de progrès technologique comme des choses qu'on ne devrait pas diriger parce qu'on ne sait jamais à quoi elles vont mener" , a dit M. Stemerding, en expliquant cette réticence européenne à gérer l'innovation en visant des problèmes concrets.
Pour la Chine, l'étude a montré qu'il y a aussi une question d'autonomie et la prospérité qui l'accompagne dans l'application de politiques scientifiques et technologiques fructueuses.
"Comme notre collègue chinois le fait remarquer dans le chapitre 6 (de notre étude), la science et la technologie sont vues dans ce contexte comme des conducteurs majeurs des forces productives dans la société, pour la poursuite d'une nation indépendante, riche et puissante se tenant avec assurance parmi toutes les nations du monde" , a déclaré M. Stemerding.
Il a également constaté un niveau croissant de participation aux débats éthiques en Chine sur la science et la technologie : "Une société civile forte et de plus en plus instruite et sûre d'elle (en Chine, en Inde et en Europe) est en train de changer le fonctionnement des débats autour de la politique de la science et de la technologie".
Ce qui semble très clair pour M. Stemerding était cependant le besoin de procéder à plus d'échanges entre les nations, afin de s'aider à établir un meilleur équilibre entre les discours sur la science et la technologie, avec un souci du "risque" qui ne prend pas le pas sur le dynamisme de l'innovation, et vice-versa.
"Je pense qu'il y a un besoin d'apprentissage mutuel entre les trois régions" , a affirmé M. Stemerding.
Même si la Chine, l'Inde et l'Europe apprennent l'une de l'autre, le développement de la science et de la technologie ne tirera pas profit d'une approche universelle, même pendant que des chercheurs essaient de standardiser les éléments des débats sur l'éthique.
"Je ne pense pas que l'idéal soit que dans toutes ces régions nous ayons besoin de procéder de la même façon. Je conçois l'échange d'expériences comme un procédé d'apprentissage. Nous pouvons apprendre les uns des autres, mais nous ne devons pas nous contenter d'appliquer l'approche d'une région à une autre", a détaillé M. Stemerding.