BEIJING, 25 juin (Xinhua) -- Le Groenland, immense île dotée du statut de territoire autonome du Danemark et peuplée de seulement 57.000 habitants, se voit placé sous les feux des projecteurs avec la menace de l'administration de Donald Trump de l'annexer. Cette annonce a été suivie d'un afflux de dirigeants occidentaux, du vice-président américain J. D. Vance au président français Emmanuel Macron, donnant à voir une facette cachée et plutôt agitée de cette île, longtemps considérée comme une terre calme recouverte de glace.
Une agitation qui, à en juger par certains signes, est loin d'être terminée et fait connaître à l'île tranquille une certaine effervescence, perçue comme une nouvelle pomme de discorde entre les Etats-Unis et une Europe souveraine.
Malgré les manifestations de la population locale, M. Vance a visité le Groenland en mars sans invitation de ses autorités. Ce déplacement a fortement choqué le monde entier et surtout l'Europe.
"Nous sommes prêts à investir davantage dans le développement de la société groenlandaise," a déclaré le 17 juin la Première ministre danoise Mette Frederiksen devant les médias.
LES AMERICAINS AU-DELA DU BLUFF
Les Américains, au lieu de se borner à du bluff, n'ont de cesse d'aller de l'avant en traduisant de plus en plus leurs paroles en actes concrets.
Un espionnage frappant du Groenland par les Etats-Unis a été dévoilé dans un article du Wall Street Journal au début du mois de mai. Selon le quotidien, les agences de renseignement américaines ont reçu la demande d'"en apprendre plus sur le mouvement indépendantiste au Groenland et les attitudes à l'égard de l'extraction des ressources naturelles sur l'île par les Américains". L'objectif serait d'identifier les personnes au Groenland et au Danemark qui soutiennent les objectifs américains sur cette île autonome danoise.
"Cela m'inquiète beaucoup parce qu'on ne s'espionne pas entre amis", a indiqué le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, qui a convoqué l'ambassadeur américain par intérim. Les fortes tensions entre Copenhague et Washington ont ainsi atteint un niveau sans précédent.
Selon un article de Politico, sur le plan militaire, le ministère américain de la Défense a adopté une modification importante vis-à-vis de la carte de commandement pour flatter l'aspiration de prendre le contrôle du Groenland. Selon le plan du Pentagone, le territoire autonome danois est passé de l'autorité du Commandement européen à celle du Commandement nord, faisant désormais partie des priorités dans les discussions de la Maison Blanche en matière de sécurité.
Encore une fois, la sonnette d'alarme a été tirée sur le Vieux Continent.
REPLIQUES DU DANEMARK ET DE LA FRANCE
Il y a quelques mois, les parties danoise et européenne avaient déjà pris de multiples mesures, telles que la publication de vives protestations, en réponse à la convoitise américaine. Ces derniers temps, elles ont décidé de durcir leur position afin d'éliminer cette ambition d'outre-Atlantique.
Dans un entretien exclusif accordé à Politico à la mi-mai, Vivian Motzfeldt, qui s'occupe des affaires étrangères au sein du gouvernement du Groenland, a dit avoir déjà exprimé la volonté d'approfondir les relations bilatérales avec l'Union européenne (UE) lors de sa visite à Bruxelles, en développant leur coopération sur ses ressources minérales et ses énergies critiques. "L'UE est un bon partenaire, nous l'aimons", a-t-elle affirmé.
A la suite de l'engagement pris par le gouvernement danois de consacrer 2 milliards d'euros au renforcement de la sécurité dans l'Arctique, Mme Frederiksen a lancé un nouveau plan visant à accroître les investissements dans les infrastructures cruciales du Groenland. L'objectif de ce plan est très clair : freiner la volonté américaine.
Du côté européen, la France a donné un exemple de résistance aux Etats-Unis. Le 9 juin, en ouverture de la conférence de l'ONU sur les océans à Nice, le président Macron a affirmé que "les abysses se sont pas à vendre. Pas plus que le Groenland". Ce soutien public a été apprécié par le Premier ministre du territoire autonome danois, Jens-Frederik Nielsen, qui s'est félicité de ce "message fort et encourageant" sur Facebook.
De surcroît, en route pour le G7 qui s'est tenu au Canada le 15 juin, M. Macron a volontairement fait escale sur l'île danoise pour discuter avec les responsables du Danemark et du Groenland de la sécurité dans l'Atlantique Nord et l'Arctique, du changement climatique, de la transition énergétique et des matériaux critiques. Avec cette action symbolique, M. Macron est devenu le premier chef d'Etat étranger à se rendre à Nuuk après les menaces d'annexion du territoire proférées par l'administration Trump.
CONFLIT SUR LE DOSSIER DU GROENLAND
Où va mener la crise du Groenland dans le futur ? Atténuation et compromis ou frictions, voire conflits militaires ? Selon des analyses d'experts, la discorde et la confrontation à long terme pourraient être une issue vraisemblable, le problème du Groenland étant en effet qu'il est le reflet des conflits structurels entre les deux côtés de l'Atlantique.
D'un côté, le déclin relatif aggrave sans relâche l'anxiété stratégique américaine. Les Etats-Unis sont obligés de recourir à tous les moyens pour la soulager, exposant ainsi davantage leur hypocrisie et leur égoïsme. Plus ils recherchent leurs propres intérêts politiques, plus ils nuisent à ceux de leurs alliés et partenaires, y compris l'Europe, que le parti au pouvoir soit celui des Démocrates ou des Républicains.
D'autre part, depuis la Seconde Guerre mondiale, la sécurité européenne dépend essentiellement de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), soit le parapluie des Etats-Unis. Dans le contexte du conflit russo-ukrainien qui persiste encore, la crainte européenne en matière de sécurité a atteint un nouveau sommet. Ainsi, face à l'hégémonie américaine, qu'il s'agisse des droits de douane ou des dépenses de défense de l'OTAN, l'UE est apparemment en très mauvaise posture.
C'est bien ces conflits structurels entre les Etats-Unis et l'Europe qui déterminent la prolongation durable de la crise du Groenland. Une graine de doute a été semée, et elle va continuer à empoisonner les relations transatlantiques et à creuser le fossé de méfiance entre les deux parties. Fin
