SAKE (RDC), 16 mai (Xinhua) -- Nichée entre volcans et violences, dans les collines de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la cité de Sake porte les cicatrices d'un conflit sans fin et la résilience silencieuse de ses habitants.
Début 2025, les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) ont pris d'assaut la région, s'emparant de la ville après de violents affrontements avec les forces gouvernementales. Sous les tirs de mortier, près de 130.000 habitants ont fui vers l'est, abandonnant maisons, champs et souvenirs. Aujourd'hui, la plupart sont revenus pour découvrir que la survie, et non la paix, est leur nouvelle réalité.
Dans un marché délabré le long de la route principale de Sake, la vendeuse locale Noëlla Bulambo dispose quelques produits : plantains et petites mandarines. "Depuis notre retour, nous essayons de vendre au marché (...) Mais personne n'achète. Nous mangeons difficilement. Nous n'avons ni vêtements, ni médicaments", déplore-t-elle.
Au bord du marché, près de l'étal de Mme Bulambo, le correspondant de Xinhua a trouvé par terre une douille vide, l'un des nombreux vestiges éparpillés des batailles qui ont transformé Sake en zone de guerre.
Stratégiquement situé à la jonction de routes cruciales, Sake est plus qu'une cité agricole - c'est un point de passage militaire, une arrière-garde pour Goma, un hub régional d'environ deux millions d'habitants, et un tampon défensif entre la capitale provinciale et les zones de conflit de Masisi et de Walikale.
Théâtre de combats intenses depuis fin 2023, la ville de Sake était considérée comme la dernière ligne de défense de Goma à l'ouest. Sa chute fin janvier 2025 a déclenché une série d'avancées, d'abord vers Goma, puis vers Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, renforçant l'avance des rebelles sur l'est de la RDC.
Comme la plupart des habitants de Sake, Mme Bulambo a fui son foyer début 2024 et s'est réfugiée dans des camps de déplacés près de Goma. Mais en février, ces camps ont été démantelés, obligeant des milliers de personnes à partir à nouveau. En avril, elle est retournée à Sake et a rouvert son petit étal de fruits. Ce qu'elle a trouvé, cependant, c'est une ville encore sous le choc de la guerre - ses infrastructures détruites, son économie en ruine, et la reprise un espoir lointain.
DES CHAMPS QUI NOURRISSENT ET TUENT
En périphérie de Sake, des signes de vie réapparaissent alors que les déplacés rentrent lentement. Mais pour une population autrefois largement dépendante de l'agriculture, reprendre une vie normale est devenu une tâche quasi impossible.
"Nous n'allons plus aux champs", avoue Immaculée Bauma, mère de dix enfants, la voix lourde d'épuisement. "Il y a trop de bombes non explosées. Elles ont tué des gens".
Marina Bazungu, une grand-mère de 72 ans s'occupant de sept petits-enfants, cultive des oignons et des épinards à côté de sa hutte endommagée. "Nous avons fui à Goma et sommes restés dans des camps", se souvient-elle, "mais nous avons été forcés de revenir. La situation à Sake n'est toujours pas sûre. Nous ne pouvons pas atteindre nos vraies fermes. Les explosions sont trop fréquentes. Y aller signifie risquer la mort".
Taoffic Mohamed Touré, vétéran du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) basé à Goma, indique que plusieurs jeunes enfants ont été admis à leur hôpital après avoir confondu des munitions non explosées avec des jouets. "Certains jouaient dans les champs lorsqu'ils ont trouvé des objets métalliques brillants (...) Ils ne savaient pas que c'était mortel", dit-il.
Pour survivre, les familles comptent sur des parcelles proches, évitant les zones où les voisins ont marqué le danger avec des branches et des panneaux d'avertissement. Pourtant, la faim s'intensifie.
"L'agriculture est le principal moyen de subsistance à Sake", explique l'agronome local Jonas Mudumbi. "La région de Kamuronza à Sake possède des terres agricoles abondantes, mais personne n'ose rien planter. Les commerçants sont rares et la famine s'installe. Si nous ne pouvons pas cultiver de la nourriture, nous mourrons".
Certains habitants se tournent vers le petit commerce - vendant du savon, du charbon ou des vêtements d'occasion - mais la crise économique qui frappe la région étouffe ces efforts. "Nous essayons de petites affaires", dit un vendeur du marché central de Sake. "Mais les gens n'ont pas d'argent. Tout le monde essaie juste de survivre".
Avec les banques fermées, les systèmes de transfert mobile perturbés et les routes commerciales bloquées, l'argent liquide est devenu à la fois rare et précieux. Les marchés locaux, autrefois animés par le commerce à petite échelle, ne fonctionnent plus que sporadiquement. De nombreux vendeurs ont des marchandises mais pas d'acheteurs, tandis que d'autres ne peuvent tout simplement pas se réapprovisionner.
"Même le plus petit billet est difficile à trouver", dit un cambiste au marché. "Et sans argent liquide, les marchés ne fonctionnent pas et les gens ne mangent pas".
Au son lointain des rafales sur les lignes de front et alors que des efforts diplomatiques régionaux avancent péniblement, les mois à venir pourraient sceller le sort de Sake. Mais dans les ruelles brûlées et les camps surpeuplés, là où les vies en morceaux sont rapiécées jour après jour, la volonté de survivre demeure intacte. Fin
