Par Alain Uyakani
BUNAGANA (RDC), 5 octobre (Xinhua) -- Une centaine de jours depuis sa prise par les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), Bunagana, une cité frontalière stratégique autrefois très animée du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), offre aujourd'hui un spectacle triste et morne sous l'occupation rebelle.
C'est pour la première fois depuis sa prise en juin dernier qu'un correspondant de Xinhua a été autorisé à y pénétrer sous la surveillance du porte-parole militaire de ladite rébellion, Willy Ngoma, au terme de plusieurs semaines de négociation.
Bunagana est stratégique en matière de commerce transfrontalier. Située à environ 70 km au nord-est de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, elle avait déjà servi de base aux rebelles du M23 en novembre 2012, avant qu'ils n'en soient chassés par l'armée. En mai 2022, le gouvernement congolais a décidé de classer le M23 comme "mouvement terroriste".
Carrefour commercial à la frontière avec l'Ouganda, Bunagana percevait environ 700.000 dollars de recettes douanières mensuelles en 2012, d'après la Direction générale des douanes et accises (DGDA) de la RDC. Mais les activités dans cette ville autrefois très animée sont désormais suspendues, avec environ 85% de sa population ayant fui à l'arrivée des rebelles.
A quelques mètres de la frontière, un poste de contrôle a été établi par la rébellion avec quelques gardes pour surveiller le passage des populations riveraines qui franchissent la frontière dans les deux sens, malgré sa fermeture officielle par les deux gouvernements.
Depuis quelque temps toutefois, des mouvements de retour de réfugiés qui avaient fui vers l'Ouganda sont observés à Bunagana.
"Nous espérons qu'il aura une solution rapide d'une manière pacifique de cette crise entre les deux côtés. Rien ne fonctionne ici. Rien ne tourne rond sur le plan commercial. C'est triste pour nous", a dit un passant anonyme sur la route non loin du poste de contrôle, visiblement une personne revenue d'un camp de réfugiés en Ouganda.
Pour Willy Ngoma, le porte-parole du M23, Bunagana fonctionne "bien", avec son peuple "très à l'aise" avec la présence des rebelles.
La majorité des commerces sont presque tous fermés et plusieurs quartiers désertés, sauf un marché morne et quasiment désert tenu par quelques mères de famille venues y vendre des produits agricoles, a-t-on observé lors d'une tournée en compagnie de Willy Ngoma, sécurisée par quelques éléments très jeunes.
Même privés de produits de première nécessité en ces temps de guerre, certains habitants de Bunagana insistent toujours, en attendant que la ville revienne à la normale.
A l'occasion de l'examen du dernier rapport en date du secrétaire général des Nations Unies sur la situation en RDC le 30 septembre, les membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés à la fois de la poursuite des violences dans l'est du pays, notamment les atrocités perpétrées par le M23.
Des initiatives régionales sont également en cours pour soutenir la stabilisation de l'est de la RDC et l'apaisement des tensions régionales qu'alimente la résurgence du M23. Ces initiatives nécessitent un soutien international constant, a plaidé Bintou Keïta, la représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU en RDC.
Lors de la même occasion, Georges Nzongola Ntalaja, ambassadeur de la RDC auprès des Nations Unies, a également demandé au Conseil de sécurité d'exiger le retrait "immédiat et sans conditions" du M23 de Bunagana, réclamant aussi qu'on exige de tous les groupes armés, "sans exception", qu'ils déposent leurs armes.
Le M23 est un groupe d'anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) réintégrés dans l'armée nationale après la guerre du Kivu à la faveur d'un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec les autorités de Kinshasa.
Depuis mai dernier, le M23 occupe plusieurs localités, dont Bunagana. En dépit des appels des chefs d'Etat de la région pour qui'ils libèrent les zones occupées, les rebelles ne sont pas partis et continuent à demander aux autorités de la RDC de respecter les accords signés entre eux et le gouvernement central. Fin

