BEIJING, 2 mai (Xinhua) -- Pour boire de l'eau, il faut d'abord acheter un verre en plastique ; si l'on peut regarder gratuitement la télévision, on doit en revanche payer pour l'entendre ; deux tranches de pain et "une sorte de bouillie changeant de couleur selon le jour mais au contenu indéfinissable" ne devant pas dépasser un dollar...
En 2013, Frédéric Pierucci, un ancien cadre de la société française Alstom, a été arrêté par les Etats-Unis pour avoir enfreint leur Foreign Corrupt Practices Act et jeté dans des prisons privées aux Etats-Unis.
Il a ainsi pu voir de ses propres yeux le chaos dans les prisons privées aux Etats-Unis, à l'image de la recherche maximum de bénéfices, la violence et l'exploitation extrême des détenus... et a raconté son expérience cauchemardesque dans son livre "Le piège américain".
"TOUT EST PAYANT"
"Ce capitalisme pénitentiaire, cette course au profit réalisée au détriment des droits humains les plus élémentaires sont indignes et dégradants", décrit M. Pierucci au sujet du centre de détention de Wyatt dans le Rhode Island, où il a autrefois été détenu.
C'est presque le même constat à Moshannon Valley Correction Center (MVCC), géré par GEO, géant américain des prisons privées, qui "essaie de maximiser son profit", en rognant "au maximum sur les services", à augmenter le prix des articles, ou à "allonger au maximum" la durée du "séjour" des détenus, écrit M. Pierucci.
En fait, que ce soit contre des prisonniers ou des immigrés clandestins, des sociétés pénitentiaires privées américaines commettent toutes sortes d'exploitation, et dans certaines prisons privées, la nourriture et les vêtements de base des détenus ne peuvent être garantis.
Selon le quotidien The Guardian, au centre de détention de Stewart, dans l'Etat américain de Géorgie, géré par un autre géant, CoreCivic, la nourriture ne suffit pas et beaucoup de détenus sont obligés d'acheter de la nourriture à des prix élevés dans l'économat carcéral. Et c'était exactement ce que le centre de détention voulait, a confié aux médias un immigrant clandestin mexicain.
Selon les médias américains, en 2020, les revenus de CoreCivic se sont élevés à 1,9 milliard de dollars, dont 82,2% proviennent des opérations des prisons privées, et les revenus de GEO à 2,3 milliards de dollars pour la même période.
LA VIOLENCE PEUT ARRIVER A TOUT MOMENT
Bagarres récurrentes, suicide, viol, tentative de meurtre, décès dû à un défaut de suivi médical... voilà ce que M. Pierucci a vu de ses propres yeux dans une prison privée aux Etats-Unis.
La violence est monnaie courante dans les prisons privées américaines. La défenseuse publique fédérale du Kansas, Melody Brannon, a déclaré à la presse que les détenus avaient peur des prisons privées de CoreCivic parce que leur vie y était en danger chaque jour.
L'agence de presse AP a pour sa part rapporté que le centre de détention de Leavenworth, au Kansas, avait connu en moyenne plus de 36 incidents violents par mois entre mai et juillet 2021.
Selon l'hebdomadaire américain Argonaut, les prisons privées aux Etats-Unis continuent d'avoir des incidents violents, avec 28% d'attaques de prisonniers de plus que dans les prisons publiques. Elles cherchent constamment des moyens de réduire les coûts, et sont devenues des "forteresses dangereuses et dépravées".
"L'ESCLAVAGE MODERNE"
A Moshannon Valley, tous les prisonniers sont obligés de travailler de longues heures chaque jour pour un salaire modique. "Ce système s'apparente à de l'esclavage moderne", écrit M. Pierucci dans "Le piège américain".
Toujours selon le quotidien The Guardian, un immigré bangladais détenu au centre de détention de Stewart en 2017 était obligé de travailler pour un salaire dérisoire de 50 cents par heure. A Stewart, les détenus seront placés à l'isolement s'ils refusent de travailler.
Bien que l'administration Biden ait ordonné de cesser d'utiliser les prisons privées pour détenir des criminels fédéraux, les sociétés pénitentiaires privées ont commencé à se débrouiller.
GEO a rassuré ses investisseurs en disant que ses revenus provenant de la détention et de la surveillance des immigrants clandestins pourraient compenser une partie des pertes. Moshannon Valley, où M. Pierucci a été détenu, a été fermé en raison d'un contrat expirant avec une agence fédérale, mais a rouvert ses porte après un contrat avec l'immigration et les douanes pour détenir des immigrants clandestins.
Quant à l'avenir de l'industrie des prisons privées aux Etats-Unis, tout comme l'a dit Sharon Brett, directrice juridique de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) du Kansas, "ils ont toujours une chance de gagner de l'argent". Fin

