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French.xinhuanet.com | Publié le 2020-03-26 à 05:36
PARIS, 25 mars (Xinhua) -- Le débat sur le traitement du COVID-19 éclate en pleine crise sanitaire en France. A l'origine de la controverse, c'est l'efficacité de la chloroquine ou hydroxychloroquine dans le traitement du coronavirus, défendue par le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU Méditerranée Infection à Marseille.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, M. Raoult, également membre du Conseil scientifique dédié au COVID-19, a exposé les résultats de ses essais cliniques sur 24 patients atteints de coronavirus en France.
"On a pu comparer la négativation du portage viral chez des patients (...) Au bout de six jours, ceux qui n'ont pas reçu le Plaquenil sont encore porteurs à 90 % du virus, tandis que ceux qui ont reçu le traitement, il n'y a plus que 25 % qui sont porteurs", a-t-il expliqué.
Selon M. Raoult, l'efficacité de la chloroquine dans le traitement du COVID-19 ne fait aucun doute, car il fait baisser la charge virale sur les patients. "Tous les gens qui meurent à cause du coronavirus ont encore le virus. Ne plus avoir le virus, ça change le pronostic", a-t-il indiqué.
Les essais cliniques de Didier Raoult ont certes convaincu certains de ses confrères, mais d'autres appellent à la prudence et pointent du doigt la méthode de l'infectiologue, notamment l'insuffisance du nombre de patients testés.
"Il y a des règles et des moments pour chaque chose, que le plus grand nombre essaie de suivre", a réagi sur Europe1 Vincent Enouf, directeur adjoint du centre national de référence des virus respiratoires de l'Institut Pasteur.
D'autres praticiens hospitaliers évoquent également les effets secondaires de la chloroquine, notamment les troubles cardio-vasculaires. Un argumentaire qui ne convainc pas trop les défenseurs de la chloroquine dans le traitement du coronavirus. C'est le cas de Christian Perronne, chef de service d'Infectiologie à l'hôpital de Garches (Haut-de-Seine).
"La chloroquine n'est pas toxique, et a un profil de sécurité qui est très bon, même s'il y a quelques effets secondaires", a-t-il indiqué sur la chaîne BFMTV.
M. Perronne ne comprend pas les critiques envers M. Raoult : "on est en situation de guerre sanitaire alors il faut arrêter de dire qu'on va tout faire selon les standards normaux, faire une étude, et attendre les résultats dans plusieurs mois. Pendant ce temps combien il y aura de morts ?"
Alors que le débat enfle sur l'efficacité ou non de la chloroquine, le président français Emmanuel Macron a mis en place mardi un comité analyse recherche et expertise en plus du Conseil scientifique dédié au coronavirus.
La mission de ce comité composé de chercheurs est de réfléchir sur la question de la réalisation des tests diagnostics, sur la connaissance du virus, sa capacité à produire des anticorps protecteurs à l'infection. Et la présidente du comité, Françoise Barré-Sinoussi, Nobel 2008 pour la découverte du virus du SIDA, a également remis en cause la fiabilité de la chloroquine dans le traitement du COVID-19.
"L'efficacité de l'hydroxychloroquine n'a pas été prouvée de façon rigoureuse. J'attends les résultats de l'essai Discovery (...) il est fait dans les règles de l'art. Soyons patients", a-t-elle déclaré au journal le Monde faisant allusion à l'essai clinique européen contre le COVID-19 dénommé "Discovery" qui a été lancé le 22 mars dernier dans certains pays européens dont la France.
Outre les médecins et chercheurs, la chloroquine divise aussi les politiques français. Depuis lundi dernier, plusieurs responsables politiques de droite ont appelé à une généralisation du traitement du COVID-19 par la chloroquine et salué les recherches "porteuses d'espoir" de M. Raoult. Parmi eux, Christian Estrosi, maire de Nice qui a été diagnostiqué positif au coronavirus.
"J'ai le sentiment d'être guéri, je suis ne pleine forme", a déclaré sur la chaîne BFMTV M. Estrosi, traité par la chloroquine. Selon lui, "toute la carrière du Pr Raoult prouve que ses recherches sont porteuses d'espoirs et de résultats".
Mais le gouvernement français veut privilégier une démarche scientifique, et a demandé que les travaux de M. Raoult soient reproduite à une plus large échelle dans d'autres centres hospitaliers par d'autres équipes indépendants. Car "jamais aucun pays au monde n'a accordé une autorisation de traitement sur la base d'une étude comme celle-ci", a indiqué samedi dernier le ministre de la Santé Olivier Véran.
En réaction à cette polémique, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde dans un communiqué publié lundi contre "les faux espoirs, les études réduites et non randomisées, réalisées à partir d'observation". Ces études "ne nous apporteront pas des réponses dont nous avons besoin", a indiqué l'OMS.