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France : les "Gilets jaunes", symptôme d'un mal qui ronge la démocratie participative (ANALYSE)

 
French.xinhuanet.com | Publié le 2018-12-12 à 05:25

PARIS, 11 décembre (Xinhua) -- Il y a fort à parier que les annonces sociales faites lundi par le Président français Emmanuel Macron lors de son allocution à la nation, ne suffiront pas à apaiser la colère des "Gilets jaunes", un mouvement de contestation inédit, qui, au-delà des revendications sur le pouvoir d'achat, apparaît comme le symptôme d'un mal qui ronge la démocratie participative en France mais aussi à l'étranger.

Dans une courte allocution radio-télévisée, lundi soir, suivie par quelque 23 millions de Français (un score digne d'une finale de Coupe du monde de football), M. Macron, sans pour autant céder, a fait des concessions aux protestataires "Gilets jaunes" qui, depuis bientôt un mois, ont initié sur les réseaux sociaux un mouvement inédit en dehors de tout parti ou syndicat.

Née du refus de la hausse des prix des carburants, la première journée de blocages de routes baptisée Acte 1, le samedi 17 novembre, a rassemblé dans le pays près de 290 000 manifestants arborant le gilet jaune fluorescent que tout automobiliste doit posséder. La contestation, reconduite le samedi suivant, s'est rapidement élargie à la question du pouvoir d'achat.

Samedi 1er décembre, la troisième grande journée de mobilisation a donné lieu à de multiples violences, surtout à Paris, où l'Arc de Triomphe et plusieurs quartiers huppés ont été le théâtre de scènes de guérilla urbaine. Samedi dernier, malgré des appels au calme et un déploiement massif des forces de l'ordre, soutenues à Paris par des véhicules blindés, des heurts ont éclaté dans l'après-midi dans la capitale et plusieurs villes provinciales.

Lundi, M. Macron, qui s'exprimait sur cette crise des "Gilets jaunes" dont l'impact commence à se faire sentir sur l'économie française, a décrété l'"état d'urgence économique et sociale" et annoncé des mesures fiscales d'un montant évalué entre 8 à 10 milliards d'euros, qui suscitent d'ores et déjà l'inquiétude de Bruxelles quant au respect par la France des règles européennes sur le déficit budgétaire.

"Le salaire d'un travailleur au SMIC augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur", a notamment déclaré le chef de l'Etat. Autres annonces du Président Macron: l'exemption de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, la défiscalisation des heures supplémentaires et des primes de fin d'année 2018.

La demande symbolique - répétée en boucle par les manifestants - d'un retour de l'impôt sur la fortune (ISF) partiellement abrogé en 2017, n'a pas été entendue. De quoi ancrer encore davantage l'idée chez les contestataires mais aussi dans une bonne partie de l'opinion qu'Emmanuel Macron, malgré ses mea culpa, est un "président des riches".

De nombreux manifestants ont poursuivi leurs barrages durant la nuit et restaient mobilisés mardi à travers la France, jugeant que le Président ne leur proposait que "des miettes" et que la fracture était consommée.

Si c'est bien les prix de l'essence qui ont mis le feu aux poudres dans l'Hexagone, il ne faudrait pas réduire le mouvement des "Gilets jaunes" à des revendications sur le pouvoir d'achat ni oublier que cette protestation se nourrit d'une défiance généralisée envers la classe politique.

Cette crise profonde de la démocratie participative n'est pas un mal nouveau mais elle est devenue endémique, comme en témoigne l'abstention croissante aux différents scrutins, en France mais aussi dans d'autres démocraties. Nombre de politologues ont déjà tiré la sonnette d'alarme, rappelant la nécessité de "faire société", et soulignant qu'Emmanuel Macron n'a été élu que grâce à 20% des inscrits du corps électoral.

Même s'il est bien trop tôt pour tenter une sociologie du mouvement, l'explosion de la colère et le raz-le-bol exprimé par les "Gilets jaunes" dans une forme de contagion émotionnelle reflètent indéniablement des frustrations latentes, des angoisses pour l'avenir et un profond sentiment d'injustice dans les rangs d'une forme de nouveau prolétariat de la société post-industrielle qui, à travers la dimension collective de tragédies individuelles, semble acquérir les prémisses d'une conscience de classe.

La part de revendication de justice sociale, de dignité et de démocratie portée de manière diffuse par les "Gilets jaunes" est d'autant plus difficile à entendre et à comprendre par le pouvoir que le mouvement n'a pas de structure organisationnelle et ne veut pas en avoir. D'où l'absence de représentants légitimes et des revendications imprécises.

Les réseaux sociaux ont permis l'organisation logistique du mouvement, mais ils ne permettent pas de faire émerger des leaders suffisamment légitimes pour engager un dialogue avec le gouvernement, plongeant ce dernier dans une situation inextricable.

Le gouvernement français espère probablement un essoufflement du mouvement et un retournement de l'opinion publique à l'approche des fêtes de fin d'année. Mais pour l'heure, bien malin qui pourrait faire des pronostics. Et quelle que soit l'issue du mouvement des "Gilets jaunes" dans les prochaines semaines, les racines de leur colère ne vont pas disparaître.

 
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France : les "Gilets jaunes", symptôme d'un mal qui ronge la démocratie participative (ANALYSE)

French.xinhuanet.com | Publié le 2018-12-12 à 05:25

PARIS, 11 décembre (Xinhua) -- Il y a fort à parier que les annonces sociales faites lundi par le Président français Emmanuel Macron lors de son allocution à la nation, ne suffiront pas à apaiser la colère des "Gilets jaunes", un mouvement de contestation inédit, qui, au-delà des revendications sur le pouvoir d'achat, apparaît comme le symptôme d'un mal qui ronge la démocratie participative en France mais aussi à l'étranger.

Dans une courte allocution radio-télévisée, lundi soir, suivie par quelque 23 millions de Français (un score digne d'une finale de Coupe du monde de football), M. Macron, sans pour autant céder, a fait des concessions aux protestataires "Gilets jaunes" qui, depuis bientôt un mois, ont initié sur les réseaux sociaux un mouvement inédit en dehors de tout parti ou syndicat.

Née du refus de la hausse des prix des carburants, la première journée de blocages de routes baptisée Acte 1, le samedi 17 novembre, a rassemblé dans le pays près de 290 000 manifestants arborant le gilet jaune fluorescent que tout automobiliste doit posséder. La contestation, reconduite le samedi suivant, s'est rapidement élargie à la question du pouvoir d'achat.

Samedi 1er décembre, la troisième grande journée de mobilisation a donné lieu à de multiples violences, surtout à Paris, où l'Arc de Triomphe et plusieurs quartiers huppés ont été le théâtre de scènes de guérilla urbaine. Samedi dernier, malgré des appels au calme et un déploiement massif des forces de l'ordre, soutenues à Paris par des véhicules blindés, des heurts ont éclaté dans l'après-midi dans la capitale et plusieurs villes provinciales.

Lundi, M. Macron, qui s'exprimait sur cette crise des "Gilets jaunes" dont l'impact commence à se faire sentir sur l'économie française, a décrété l'"état d'urgence économique et sociale" et annoncé des mesures fiscales d'un montant évalué entre 8 à 10 milliards d'euros, qui suscitent d'ores et déjà l'inquiétude de Bruxelles quant au respect par la France des règles européennes sur le déficit budgétaire.

"Le salaire d'un travailleur au SMIC augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur", a notamment déclaré le chef de l'Etat. Autres annonces du Président Macron: l'exemption de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, la défiscalisation des heures supplémentaires et des primes de fin d'année 2018.

La demande symbolique - répétée en boucle par les manifestants - d'un retour de l'impôt sur la fortune (ISF) partiellement abrogé en 2017, n'a pas été entendue. De quoi ancrer encore davantage l'idée chez les contestataires mais aussi dans une bonne partie de l'opinion qu'Emmanuel Macron, malgré ses mea culpa, est un "président des riches".

De nombreux manifestants ont poursuivi leurs barrages durant la nuit et restaient mobilisés mardi à travers la France, jugeant que le Président ne leur proposait que "des miettes" et que la fracture était consommée.

Si c'est bien les prix de l'essence qui ont mis le feu aux poudres dans l'Hexagone, il ne faudrait pas réduire le mouvement des "Gilets jaunes" à des revendications sur le pouvoir d'achat ni oublier que cette protestation se nourrit d'une défiance généralisée envers la classe politique.

Cette crise profonde de la démocratie participative n'est pas un mal nouveau mais elle est devenue endémique, comme en témoigne l'abstention croissante aux différents scrutins, en France mais aussi dans d'autres démocraties. Nombre de politologues ont déjà tiré la sonnette d'alarme, rappelant la nécessité de "faire société", et soulignant qu'Emmanuel Macron n'a été élu que grâce à 20% des inscrits du corps électoral.

Même s'il est bien trop tôt pour tenter une sociologie du mouvement, l'explosion de la colère et le raz-le-bol exprimé par les "Gilets jaunes" dans une forme de contagion émotionnelle reflètent indéniablement des frustrations latentes, des angoisses pour l'avenir et un profond sentiment d'injustice dans les rangs d'une forme de nouveau prolétariat de la société post-industrielle qui, à travers la dimension collective de tragédies individuelles, semble acquérir les prémisses d'une conscience de classe.

La part de revendication de justice sociale, de dignité et de démocratie portée de manière diffuse par les "Gilets jaunes" est d'autant plus difficile à entendre et à comprendre par le pouvoir que le mouvement n'a pas de structure organisationnelle et ne veut pas en avoir. D'où l'absence de représentants légitimes et des revendications imprécises.

Les réseaux sociaux ont permis l'organisation logistique du mouvement, mais ils ne permettent pas de faire émerger des leaders suffisamment légitimes pour engager un dialogue avec le gouvernement, plongeant ce dernier dans une situation inextricable.

Le gouvernement français espère probablement un essoufflement du mouvement et un retournement de l'opinion publique à l'approche des fêtes de fin d'année. Mais pour l'heure, bien malin qui pourrait faire des pronostics. Et quelle que soit l'issue du mouvement des "Gilets jaunes" dans les prochaines semaines, les racines de leur colère ne vont pas disparaître.

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