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(INTERVIEW) Jean Girel : "La céramique exprime la beauté de l'univers"

 
French.xinhuanet.com | Publié le 2018-11-22 à 14:35


Jean Girel (Photo : Xinhua/Li Ying)

HANGZHOU, 22 novembre (Xinhua) -- Le maître d'art français Jean Girel s'est vu remettre récemment le titre de conseiller artistique permanent par la municipalité de Longquan, lieu d'origine du céladon, dans la province chinoise orientale du Zhejiang.

La vie de Jean Girel, 71 ans, a basculé en 1975 à l'occasion d'une "belle rencontre" au musée Guimet, devant des céramiques chinoises de la dynastie Song (960 -- 1279). Il a alors abandonné sa carrière de professeur d'art et de peintre pour se consacrer au céladon et aux bols Jian.

"J'ai découvert deux choses au musée Guimet. D'abord une urne funéraire de Longquan. La couche d'émail de céladon de cette pièce était d'une très, très grande beauté. On voyait la lumière pénétrer l'émail et en ressortir. Et la profondeur de l'émail faisait, qu'au bout d'un moment, cette pièce qui n'est pas d'une grande dimension, devenait beaucoup plus grande qu'elle n'est, et se mettait à respirer", se souvient-il.

"J'ai découvert ensuite un bol Jian. Ce bol était en fait noir, mais c'est le noir qui est capable de créer toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Ce bol, c'était comme l'univers, le firmament, ou toutes les étoiles. Ce bol représente le ciel en fait", poursuit-il.

"Ce qui m'a fasciné dans cette céramique Song, c'est cet art très pur, très dépouillé. Quand on tient un bol dans ses mains, il exprime la beauté de l'univers", ajoute-t-il.

"En Occident on a perdu, depuis les Grecs, cette idée que les quatre éléments sont présents (la terre, l'eau, le feu et l'air) et que les éléments jouent ensemble. En Chine, on parle des cinq éléments: la terre, l'eau, le feu, le métal et le bois. Dans cette urne funéraire de Longquan on voyait qu'il y avait l'idée que tous les éléments étaient réunis à l'intérieur. C'est fascinant pour moi. J'ai toujours essayé dans ma céramique, encore maintenant, de mettre en oeuvre tous les éléments en utilisant, comme les Song, des matières premières naturelles que je trouve autour de chez moi dans mon paysage au sud de la Bourgogne", explique Jean Girel.

"Pour réaliser ce céladon, les potiers de Longquan ont la chance d'avoir une roche qui s'appelle la pierre à porcelaine, qui est broyée, puis mélangée à la cendre pour faire l'émail. Nous, en Bourgogne, on n'a pas ça", poursuit-il.

Il a beaucoup travaillé avec les volcanologues sur la composition et l'histoire des roches sur l'île de la Réunion pour finalement comprendre que sur toute la planète, suivant l'âge des volcans, on peut trouver des roches qui sont identiques à celles que l'on trouve en Chine.

Les roches sont partout. Ce qui est compliqué, c'est la cuisson, c'est la façon d'obtenir ces fameuses et magnifiques couleurs de l'arc-en-ciel du fabuleux bol, analyse Jean Girel. Il utilise des matières premières naturelles qu'il trouve dans le sol. Il utilise des méthodes de cuisson comme à l'époque Song. Le four qu'il utilise est le 19e qu'il a conçu et construit pour son usage personnel. Il travaille jour et nuit en innovant sans cesse pour comprendre la cuisson, pour comprendre comment faire pour obtenir les couleurs.

"J'ai beaucoup étudié la céramique chinoise, j'ai beaucoup écrit là-dessus aussi. La céramique Song me passionne parce que je trouve que c'est la plus simple et la plus pure. C'est celle qui est le plus près de la nature et des éléments. Il n'y a pas besoin de décor, il n'y a pas besoin de faire des fleurettes, il n'y a pas besoin de mélanger les couleurs. C'est en fait la matière et les éléments qui parlent dans toute leur pureté", souligne-t-il.

"J'ai toujours travaillé le céladon et le bol Jian depuis 1975, ce sont deux techniques que je travaille en permanence. C'est un peu comme le pianiste qui joue la même suite de Bach tous les matins toute sa vie et un peu comme la prière du moine ou du croyant. Pour moi ma croyance, c'est la céramique. Le céladon et les bols Jian c'est ce qui m'accompagne dans mon quotidien depuis 1975."

"Le céladon et le Bol Jian continuent à m'apprendre et à me nourrir tous les jours. Le céladon est quelque chose de silencieux. Son rayonnement vient d'une concentration dans le silence. Ce que le céladon m'a appris, c'est que partout à l'extérieur il y a beaucoup de bruit. Il m'a appris à rentrer en moi-même et de rechercher le silence", souligne Jean Girel, très heureux d'avoir pu venir pour la première fois à Longquan et d'avoir eu beaucoup d'échanges avec des céramistes locaux.

"Venir ici, à Longquan, c'est pour moi une grande émotion. C'est là qu'a été réalisée, à l'époque Song, cette urne funéraire qui a déterminé mon chemin. C'est un peu comme un pèlerinage", conclut-il.

 
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(INTERVIEW) Jean Girel : "La céramique exprime la beauté de l'univers"

French.xinhuanet.com | Publié le 2018-11-22 à 14:35


Jean Girel (Photo : Xinhua/Li Ying)

HANGZHOU, 22 novembre (Xinhua) -- Le maître d'art français Jean Girel s'est vu remettre récemment le titre de conseiller artistique permanent par la municipalité de Longquan, lieu d'origine du céladon, dans la province chinoise orientale du Zhejiang.

La vie de Jean Girel, 71 ans, a basculé en 1975 à l'occasion d'une "belle rencontre" au musée Guimet, devant des céramiques chinoises de la dynastie Song (960 -- 1279). Il a alors abandonné sa carrière de professeur d'art et de peintre pour se consacrer au céladon et aux bols Jian.

"J'ai découvert deux choses au musée Guimet. D'abord une urne funéraire de Longquan. La couche d'émail de céladon de cette pièce était d'une très, très grande beauté. On voyait la lumière pénétrer l'émail et en ressortir. Et la profondeur de l'émail faisait, qu'au bout d'un moment, cette pièce qui n'est pas d'une grande dimension, devenait beaucoup plus grande qu'elle n'est, et se mettait à respirer", se souvient-il.

"J'ai découvert ensuite un bol Jian. Ce bol était en fait noir, mais c'est le noir qui est capable de créer toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Ce bol, c'était comme l'univers, le firmament, ou toutes les étoiles. Ce bol représente le ciel en fait", poursuit-il.

"Ce qui m'a fasciné dans cette céramique Song, c'est cet art très pur, très dépouillé. Quand on tient un bol dans ses mains, il exprime la beauté de l'univers", ajoute-t-il.

"En Occident on a perdu, depuis les Grecs, cette idée que les quatre éléments sont présents (la terre, l'eau, le feu et l'air) et que les éléments jouent ensemble. En Chine, on parle des cinq éléments: la terre, l'eau, le feu, le métal et le bois. Dans cette urne funéraire de Longquan on voyait qu'il y avait l'idée que tous les éléments étaient réunis à l'intérieur. C'est fascinant pour moi. J'ai toujours essayé dans ma céramique, encore maintenant, de mettre en oeuvre tous les éléments en utilisant, comme les Song, des matières premières naturelles que je trouve autour de chez moi dans mon paysage au sud de la Bourgogne", explique Jean Girel.

"Pour réaliser ce céladon, les potiers de Longquan ont la chance d'avoir une roche qui s'appelle la pierre à porcelaine, qui est broyée, puis mélangée à la cendre pour faire l'émail. Nous, en Bourgogne, on n'a pas ça", poursuit-il.

Il a beaucoup travaillé avec les volcanologues sur la composition et l'histoire des roches sur l'île de la Réunion pour finalement comprendre que sur toute la planète, suivant l'âge des volcans, on peut trouver des roches qui sont identiques à celles que l'on trouve en Chine.

Les roches sont partout. Ce qui est compliqué, c'est la cuisson, c'est la façon d'obtenir ces fameuses et magnifiques couleurs de l'arc-en-ciel du fabuleux bol, analyse Jean Girel. Il utilise des matières premières naturelles qu'il trouve dans le sol. Il utilise des méthodes de cuisson comme à l'époque Song. Le four qu'il utilise est le 19e qu'il a conçu et construit pour son usage personnel. Il travaille jour et nuit en innovant sans cesse pour comprendre la cuisson, pour comprendre comment faire pour obtenir les couleurs.

"J'ai beaucoup étudié la céramique chinoise, j'ai beaucoup écrit là-dessus aussi. La céramique Song me passionne parce que je trouve que c'est la plus simple et la plus pure. C'est celle qui est le plus près de la nature et des éléments. Il n'y a pas besoin de décor, il n'y a pas besoin de faire des fleurettes, il n'y a pas besoin de mélanger les couleurs. C'est en fait la matière et les éléments qui parlent dans toute leur pureté", souligne-t-il.

"J'ai toujours travaillé le céladon et le bol Jian depuis 1975, ce sont deux techniques que je travaille en permanence. C'est un peu comme le pianiste qui joue la même suite de Bach tous les matins toute sa vie et un peu comme la prière du moine ou du croyant. Pour moi ma croyance, c'est la céramique. Le céladon et les bols Jian c'est ce qui m'accompagne dans mon quotidien depuis 1975."

"Le céladon et le Bol Jian continuent à m'apprendre et à me nourrir tous les jours. Le céladon est quelque chose de silencieux. Son rayonnement vient d'une concentration dans le silence. Ce que le céladon m'a appris, c'est que partout à l'extérieur il y a beaucoup de bruit. Il m'a appris à rentrer en moi-même et de rechercher le silence", souligne Jean Girel, très heureux d'avoir pu venir pour la première fois à Longquan et d'avoir eu beaucoup d'échanges avec des céramistes locaux.

"Venir ici, à Longquan, c'est pour moi une grande émotion. C'est là qu'a été réalisée, à l'époque Song, cette urne funéraire qui a déterminé mon chemin. C'est un peu comme un pèlerinage", conclut-il.

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