Réformes : la difficile "remise en marche" de la France (ANALYSE)

Publié le 2018-05-10 à 21:47 | french.xinhuanet.com

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PARIS, 10 mai (Xinhua) -- Elu il y a un an, le président français Emmanuel Macron s'est fixé comme objectif de réformer en profondeur la France. Un exercice périlleux dans un pays qui a la réputation d'être "irréformable". Y arrivera-t-il, face à un front social toujours mobilisé contre les réformes ?

En un an, le président français a engagé plusieurs projets de réforme en même temps. Réforme du travail, de la fiscalité, de la formation, des institutions... aucun secteur n'est épargné. Objectif : "avoir un système juste, une économie forte pour une France forte", a déclaré M. Macron.

De mémoire d'observateurs, jamais ces dernières années un président français n'a engagé simultanément d'aussi nombreuses réformes avec une telle rapidité. Sans doute à cause des risques d'embrasement du front social. "Pour trouver trace d'un rythme de réformes similaire, il faut remonter au début de la Ve République, en 1959", a rappelé sur la radio Europe 1 le politologue Olivier Duhamel.

Mais le président Macron réussira-t-il à mener jusqu'au bout toutes ses réformes, contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs qui ont échoué ?

"Un tiers sont déjà faites et beaucoup sont en chantier", indique M. Duhamel tout en précisant qu'Emmanuel Macron a "essayé de faire un maximum de réformes pendant qu'il est porté par la vague de son élection".

Elu avec 66,10% des suffrages, le président français a engagé dès le début du quinquennat le premier volet de ses réformes dans lequel figure le projet de réforme controversé du code du travail, adopté par ordonnance.

Mais la fin de l'état de grâce s'est vite vue accompagnée d'une chute de la cote de popularité du président. Selon un sondage Ifop publié deux semaines avant les 100 jours au pouvoir de M. Macron en 2017, seulement 36% des Français se disaient satisfaits de son action contre 64% de mécontents. Soit dix points d'avis négatifs de plus que son prédécesseur François Hollande (54% de mécontents contre 46% de satisfaits) à la même période.

Cette chute dans les sondages s'explique par les réformes engagées, notamment la baisse des aides personnelles au logement (APL), la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités ou encore la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Ces points sensibles de son projet de réforme sont devenus les angles d'attaques favoris de ses adversaires politiques, qui lui collent désormais le sobriquet de "président des riches" en faisant allusion à la réforme de l'ISF. Ou encore des médias qui n'hésitent plus à le qualifier de président de droite : "Un an de Macron. La droite a enfin son président", a titré lundi dernier le journal Libération en référence à sa politique libérale. Des attaques qui sont très porteuses dans l'opinion.

Pour preuve, une enquête récente de l'institut de sondage IPSOS sur le bilan de le première année au pouvoir d'Emmanuel Macron montre que 55% des Français considèrent que son bilan est négatif et 45% l'estiment positif. Même s'ils considèrent majoritairement à 73% que les réformes du président sont conformes à ses engagements de campagne électorale.

Les derniers sondages publiés au mois de mars sur la cote de popularité du président français et de son Premier ministre ne plaident pas non plus en leur faveur. Selon le sondage BVA pour Orange, RTL et la Tribune, la cote de popularité de M. Macron a atteint son niveau le plus bas depuis son arrivée à l'Elysée, avec 43% seulement des Français qui ont une "bonne opinion" de lui, contre 57% (+4) de "mauvaise opinion". Son Premier ministre Edouard Philippe enregistre également son plus bas niveau, avec 54% des Français qui ont une "mauvaise opinion" de lui, ajoute la même source.

Une dégringolade confirmée par un autre sondage également publié en mars par Viavoice pour Libération, et qui note seulement "41% d'opinions positives pour Macron en baisse de 5 points depuis décembre" et "40% d'opinions positives" pour Edouard Philippe. Les réformes engagées par le président français seraient en cause selon Viavoice, qui indique dans son enquête que 52% des sondés restent convaincus que les mesures économiques comme la hausse de la CSG "détériorent globalement le pouvoir d'achat".

En plus d'être en passe de perdre cette bataille de l'opinion, M. Macron devra faire face à la contestation sociale contre ses réformes, marquée pour l'instant par des grèves ou manifestations récurrentes qui paralysent depuis quelques mois plusieurs secteurs d'activité.

"Emmanuel Macron ouvre plusieurs dossiers en même temps, quitte à multiplier les fronts", constate l'historien et spécialiste de la Ve République, Nicolas Roussellier, dans le quotidien 20 minutes. Un choix qui présente des risques d'embrasement du front social.

Car bien que l'on soit encore loin des grandes mobilisations contre la réforme des retraites qui avaient bloqué le pays en 2010 ou encore la grève massive dans les transports en 1995 contre la réforme des retraites engagée par l'ancien Premier ministre Alain Juppé, les opposants à la réforme de M. Macron multiplient les actions sectorielles et communes, et se montrent tout aussi déterminés à poursuivre la lutte.

"On est sûrement parti pour l'un des plus importants mouvements sociaux de l'histoire de la SNCF", avait annoncé au Parisien Laurent Brun de la CGT dès le départ de la grève. La dernière journée d'action nationale en vue d'une convergence des luttes date du 19 avril dernier, et la prochaine est prévue pour le 26 mai.

Le président français semble bien conscient de ces difficultés auxquelles il a d'ailleurs fait allusion lors de son voyage à Bucarest en août 2017. "Beaucoup ont essayé (de réformer) et n'y ont pas réussi, car les Français détestent les réformes. Dès qu'on peut éviter les réformes, on le fait", avait-il indiqué.

Cette difficile réforme de la France peut s'expliquer par plusieurs facteurs dont la forte imprégnation d'une culture de lutte des classes.

Dans un article publié sur le site Telos et intitulé "Pourquoi est-il si difficile de réformer", Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'Université d'Aix-Marseille, explique que cette culture de la lutte des classes "s'oppose à celle du compromis et de la réforme, ainsi qu'à l'idée de possibles gains réciproques via la négociation collective". Les réformes structurelles sont ainsi perçues comme des changements favorables aux seules entreprises et défavorables aux salariés.

L'autre facteur non négligeable vient selon l'économiste de certaines représentations "erronées" de l'économie et de son fonctionnement. "Ces représentations supposent par exemple que les régulations et plus globalement l'intervention publique sont a priori protectrices pour les travailleurs et bénéfiques pour une croissance inclusive", a-t-il indiqué.

C'est par exemple le cas quand on pense que l'augmentation des dépenses publiques est un moyen toujours efficace pour abaisser le chômage, que le relèvement du salaire minimum contribue à réduire les inégalités ou qu'un code du travail plus épais est nécessairement plus protecteur pour les travailleurs.

La mise en œuvre de ces changements profonds préconisés par de nombreux rapports nécessite, selon plusieurs spécialistes, davantage d'explication du projet de réforme afin de lever les inquiétudes et d'asseoir un dialogue qui peut aboutir à un compromis avec les partenaires sociaux.

Un exercice auquel M. Macron dit pourtant s'être déjà livré : "J'ai expliqué ces réformes, j'ai présenté ces réformes durant des semaines et des semaines et j'ai été élu sur la base de ces réformes", a expliqué le président français sur la chaîne CNN en marge de son discours à l'Assemblée générale annuelle de l'ONU en septembre 2017.

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Réformes : la difficile "remise en marche" de la France (ANALYSE)

Publié le 2018-05-10 à 21:47 | french.xinhuanet.com

PARIS, 10 mai (Xinhua) -- Elu il y a un an, le président français Emmanuel Macron s'est fixé comme objectif de réformer en profondeur la France. Un exercice périlleux dans un pays qui a la réputation d'être "irréformable". Y arrivera-t-il, face à un front social toujours mobilisé contre les réformes ?

En un an, le président français a engagé plusieurs projets de réforme en même temps. Réforme du travail, de la fiscalité, de la formation, des institutions... aucun secteur n'est épargné. Objectif : "avoir un système juste, une économie forte pour une France forte", a déclaré M. Macron.

De mémoire d'observateurs, jamais ces dernières années un président français n'a engagé simultanément d'aussi nombreuses réformes avec une telle rapidité. Sans doute à cause des risques d'embrasement du front social. "Pour trouver trace d'un rythme de réformes similaire, il faut remonter au début de la Ve République, en 1959", a rappelé sur la radio Europe 1 le politologue Olivier Duhamel.

Mais le président Macron réussira-t-il à mener jusqu'au bout toutes ses réformes, contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs qui ont échoué ?

"Un tiers sont déjà faites et beaucoup sont en chantier", indique M. Duhamel tout en précisant qu'Emmanuel Macron a "essayé de faire un maximum de réformes pendant qu'il est porté par la vague de son élection".

Elu avec 66,10% des suffrages, le président français a engagé dès le début du quinquennat le premier volet de ses réformes dans lequel figure le projet de réforme controversé du code du travail, adopté par ordonnance.

Mais la fin de l'état de grâce s'est vite vue accompagnée d'une chute de la cote de popularité du président. Selon un sondage Ifop publié deux semaines avant les 100 jours au pouvoir de M. Macron en 2017, seulement 36% des Français se disaient satisfaits de son action contre 64% de mécontents. Soit dix points d'avis négatifs de plus que son prédécesseur François Hollande (54% de mécontents contre 46% de satisfaits) à la même période.

Cette chute dans les sondages s'explique par les réformes engagées, notamment la baisse des aides personnelles au logement (APL), la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités ou encore la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Ces points sensibles de son projet de réforme sont devenus les angles d'attaques favoris de ses adversaires politiques, qui lui collent désormais le sobriquet de "président des riches" en faisant allusion à la réforme de l'ISF. Ou encore des médias qui n'hésitent plus à le qualifier de président de droite : "Un an de Macron. La droite a enfin son président", a titré lundi dernier le journal Libération en référence à sa politique libérale. Des attaques qui sont très porteuses dans l'opinion.

Pour preuve, une enquête récente de l'institut de sondage IPSOS sur le bilan de le première année au pouvoir d'Emmanuel Macron montre que 55% des Français considèrent que son bilan est négatif et 45% l'estiment positif. Même s'ils considèrent majoritairement à 73% que les réformes du président sont conformes à ses engagements de campagne électorale.

Les derniers sondages publiés au mois de mars sur la cote de popularité du président français et de son Premier ministre ne plaident pas non plus en leur faveur. Selon le sondage BVA pour Orange, RTL et la Tribune, la cote de popularité de M. Macron a atteint son niveau le plus bas depuis son arrivée à l'Elysée, avec 43% seulement des Français qui ont une "bonne opinion" de lui, contre 57% (+4) de "mauvaise opinion". Son Premier ministre Edouard Philippe enregistre également son plus bas niveau, avec 54% des Français qui ont une "mauvaise opinion" de lui, ajoute la même source.

Une dégringolade confirmée par un autre sondage également publié en mars par Viavoice pour Libération, et qui note seulement "41% d'opinions positives pour Macron en baisse de 5 points depuis décembre" et "40% d'opinions positives" pour Edouard Philippe. Les réformes engagées par le président français seraient en cause selon Viavoice, qui indique dans son enquête que 52% des sondés restent convaincus que les mesures économiques comme la hausse de la CSG "détériorent globalement le pouvoir d'achat".

En plus d'être en passe de perdre cette bataille de l'opinion, M. Macron devra faire face à la contestation sociale contre ses réformes, marquée pour l'instant par des grèves ou manifestations récurrentes qui paralysent depuis quelques mois plusieurs secteurs d'activité.

"Emmanuel Macron ouvre plusieurs dossiers en même temps, quitte à multiplier les fronts", constate l'historien et spécialiste de la Ve République, Nicolas Roussellier, dans le quotidien 20 minutes. Un choix qui présente des risques d'embrasement du front social.

Car bien que l'on soit encore loin des grandes mobilisations contre la réforme des retraites qui avaient bloqué le pays en 2010 ou encore la grève massive dans les transports en 1995 contre la réforme des retraites engagée par l'ancien Premier ministre Alain Juppé, les opposants à la réforme de M. Macron multiplient les actions sectorielles et communes, et se montrent tout aussi déterminés à poursuivre la lutte.

"On est sûrement parti pour l'un des plus importants mouvements sociaux de l'histoire de la SNCF", avait annoncé au Parisien Laurent Brun de la CGT dès le départ de la grève. La dernière journée d'action nationale en vue d'une convergence des luttes date du 19 avril dernier, et la prochaine est prévue pour le 26 mai.

Le président français semble bien conscient de ces difficultés auxquelles il a d'ailleurs fait allusion lors de son voyage à Bucarest en août 2017. "Beaucoup ont essayé (de réformer) et n'y ont pas réussi, car les Français détestent les réformes. Dès qu'on peut éviter les réformes, on le fait", avait-il indiqué.

Cette difficile réforme de la France peut s'expliquer par plusieurs facteurs dont la forte imprégnation d'une culture de lutte des classes.

Dans un article publié sur le site Telos et intitulé "Pourquoi est-il si difficile de réformer", Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'Université d'Aix-Marseille, explique que cette culture de la lutte des classes "s'oppose à celle du compromis et de la réforme, ainsi qu'à l'idée de possibles gains réciproques via la négociation collective". Les réformes structurelles sont ainsi perçues comme des changements favorables aux seules entreprises et défavorables aux salariés.

L'autre facteur non négligeable vient selon l'économiste de certaines représentations "erronées" de l'économie et de son fonctionnement. "Ces représentations supposent par exemple que les régulations et plus globalement l'intervention publique sont a priori protectrices pour les travailleurs et bénéfiques pour une croissance inclusive", a-t-il indiqué.

C'est par exemple le cas quand on pense que l'augmentation des dépenses publiques est un moyen toujours efficace pour abaisser le chômage, que le relèvement du salaire minimum contribue à réduire les inégalités ou qu'un code du travail plus épais est nécessairement plus protecteur pour les travailleurs.

La mise en œuvre de ces changements profonds préconisés par de nombreux rapports nécessite, selon plusieurs spécialistes, davantage d'explication du projet de réforme afin de lever les inquiétudes et d'asseoir un dialogue qui peut aboutir à un compromis avec les partenaires sociaux.

Un exercice auquel M. Macron dit pourtant s'être déjà livré : "J'ai expliqué ces réformes, j'ai présenté ces réformes durant des semaines et des semaines et j'ai été élu sur la base de ces réformes", a expliqué le président français sur la chaîne CNN en marge de son discours à l'Assemblée générale annuelle de l'ONU en septembre 2017.

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