France : une bataille du rail à haut risque pour Emmanuel Macron (ANALYSE)

Publié le 2018-04-04 à 20:20 | french.xinhuanet.com

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PARIS, 4 avril (Xinhua) -- La grève entamée à la SNCF et la résurgence de foyers de contestation sociale dans l'Hexagone résonnent comme un retour au réel dans une France toujours aussi fracturée, où de multiples inquiétudes se font entendre. Cette bataille du rail pourrait annoncer des lendemains qui déchantent pour le président français Emmanuel Macron, élu en partie par défaut à la faveur d'une présidentielle inédite.

Le lancement du mouvement de grève des cheminots mardi a signé le début d'un bras de fer social névralgique pour la suite du quinquennat du chef de l'Etat français. Elu à la présidence de la République, en partie par défaut pour faire barrage à Marine Le Pen à l'issue d'une campagne rocambolesque, Emmanuel Macron a dans un premier temps revêtu avec succès son costume charismatique de réformateur sur la scène internationale, prônant action et volontarisme.

Mais son capital de sympathie à l'étranger ne doit pas faire oublier la réalité de la France de 2018. Encore moins occulter les conditions de son élection, considérée par nombre de ses concitoyens comme un "hold-up".

L'abstention record à la présidentielle, le nombre sans précédent de votes blancs et de votes nuls, les candidats populistes qui, au premier tour, ont rassemblé 35% des suffrages, les scores de l'extrême droite mais aussi de la gauche radicale sont autant de chiffres dont il faut se souvenir pour comprendre le manque d'adhésion autour des projets pour la France d'Emmanuel Macron.

La liste des mécontents s'allonge. Aux salariés de la SNCF, une entreprise publique, s'ajoutent ceux d'Air France, entreprise privatisée depuis 1999, mais aussi le personnel de Carrefour, premier employeur privé du pays, les éboueurs, les électriciens, les retraités ou encore les étudiants. Impossible pour l'heure de savoir si le mouvement va coaguler. Le scénario d'une "convergence des luttes" commence toutefois à inquiéter l'exécutif.

Le conflit social à la SNCF prend en effet une tournure inattendue. Le gouvernement tablait sur une répétition de la grève de 1994, avec un blocage complet pendant quelques jours. Avec cette grève perlée (deux jours de grève suivis de trois jours de reprise, puis à nouveau deux jours de grève, jusqu'à fin juin), l'intersyndicale de la SNCF semble avoir pris le gouvernement de court.

De plus, si les Français "râlent" souvent contre la SNCF, ils restent très attachés à cette entreprise nationale symbole du service public, trait d'union entre les régions, perçue par beaucoup comme un lien social indispensable. Et même si le gouvernement fustige ce qu'il appelle la "grèviculture", l'idée de lutte sociale reste plutôt populaire dans un pays nostalgique des grands mouvements sociaux où la culture politique est toujours empreinte d'une forme de romantisme révolutionnaire.

En annonçant en février que la réforme de la SNCF serait faite par ordonnances, le Premier ministre a d'autre part donné le sentiment que le gouvernement décidait de passer en force. Les annonces de la ministre des Transports, vendredi, indiquant que le projet serait finalement discuté dans le cadre de la loi, ont brouillé les pistes. Et de nombreuses questions quant aux modalités de la réforme restent sans réponse.

Arrivé au pouvoir avec un programme qui promettait de dépasser "les vieux partis de la droite et de la gauche", les "réformes" et "plans" annoncés par Emmanuel Macron se succèdent à un rythme si soutenu qu'il donne parfois le vertige aux observateurs les plus avertis.

Le programme présidentiel, par opposition à celui de François Fillon, affichait une dimension "libérale et en même temps sociale", dont doutent de nombreux Français qui souffrent d'un sentiment de déclassement et se demandent à qui vont profiter toutes ces réformes.

Différents sondages ont en effet montré que, depuis son accession à l'Elysée, Emmanuel Macron apparaît comme le "président des riches" pour plus de 75% des personnes interrogées, tandis que le gouvernement, composé largement d'experts et de technocrates, est perçu par beaucoup de Français comme déconnecté des réalités quotidiennes.

La bataille du rail n'est que la face visible de l'iceberg; celle de l'opinion sera déterminante. La communication jouera en effet un rôle tout aussi décisif, dans les semaines à venir, que la confrontation sociale. Selon un dernier sondage IFOP, 53% des Français jugent "injustifié" le projet de réforme de la SNCF destiné à abroger le statut particulier des cheminots et à ouvrir le rail à la concurrence privée à partir de 2019.

L'enjeu pour le chef de l'Etat français est considérable. Il veut réussir là où tant de ses prédécesseurs ont échoué. Jusqu'ici, il poursuit une voie médiane, laissant son Premier ministre en première ligne. Mais, moins d'un an après son élection, il pourrait être pris au piège de son credo du "en même temps".

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France : une bataille du rail à haut risque pour Emmanuel Macron (ANALYSE)

Publié le 2018-04-04 à 20:20 | french.xinhuanet.com

PARIS, 4 avril (Xinhua) -- La grève entamée à la SNCF et la résurgence de foyers de contestation sociale dans l'Hexagone résonnent comme un retour au réel dans une France toujours aussi fracturée, où de multiples inquiétudes se font entendre. Cette bataille du rail pourrait annoncer des lendemains qui déchantent pour le président français Emmanuel Macron, élu en partie par défaut à la faveur d'une présidentielle inédite.

Le lancement du mouvement de grève des cheminots mardi a signé le début d'un bras de fer social névralgique pour la suite du quinquennat du chef de l'Etat français. Elu à la présidence de la République, en partie par défaut pour faire barrage à Marine Le Pen à l'issue d'une campagne rocambolesque, Emmanuel Macron a dans un premier temps revêtu avec succès son costume charismatique de réformateur sur la scène internationale, prônant action et volontarisme.

Mais son capital de sympathie à l'étranger ne doit pas faire oublier la réalité de la France de 2018. Encore moins occulter les conditions de son élection, considérée par nombre de ses concitoyens comme un "hold-up".

L'abstention record à la présidentielle, le nombre sans précédent de votes blancs et de votes nuls, les candidats populistes qui, au premier tour, ont rassemblé 35% des suffrages, les scores de l'extrême droite mais aussi de la gauche radicale sont autant de chiffres dont il faut se souvenir pour comprendre le manque d'adhésion autour des projets pour la France d'Emmanuel Macron.

La liste des mécontents s'allonge. Aux salariés de la SNCF, une entreprise publique, s'ajoutent ceux d'Air France, entreprise privatisée depuis 1999, mais aussi le personnel de Carrefour, premier employeur privé du pays, les éboueurs, les électriciens, les retraités ou encore les étudiants. Impossible pour l'heure de savoir si le mouvement va coaguler. Le scénario d'une "convergence des luttes" commence toutefois à inquiéter l'exécutif.

Le conflit social à la SNCF prend en effet une tournure inattendue. Le gouvernement tablait sur une répétition de la grève de 1994, avec un blocage complet pendant quelques jours. Avec cette grève perlée (deux jours de grève suivis de trois jours de reprise, puis à nouveau deux jours de grève, jusqu'à fin juin), l'intersyndicale de la SNCF semble avoir pris le gouvernement de court.

De plus, si les Français "râlent" souvent contre la SNCF, ils restent très attachés à cette entreprise nationale symbole du service public, trait d'union entre les régions, perçue par beaucoup comme un lien social indispensable. Et même si le gouvernement fustige ce qu'il appelle la "grèviculture", l'idée de lutte sociale reste plutôt populaire dans un pays nostalgique des grands mouvements sociaux où la culture politique est toujours empreinte d'une forme de romantisme révolutionnaire.

En annonçant en février que la réforme de la SNCF serait faite par ordonnances, le Premier ministre a d'autre part donné le sentiment que le gouvernement décidait de passer en force. Les annonces de la ministre des Transports, vendredi, indiquant que le projet serait finalement discuté dans le cadre de la loi, ont brouillé les pistes. Et de nombreuses questions quant aux modalités de la réforme restent sans réponse.

Arrivé au pouvoir avec un programme qui promettait de dépasser "les vieux partis de la droite et de la gauche", les "réformes" et "plans" annoncés par Emmanuel Macron se succèdent à un rythme si soutenu qu'il donne parfois le vertige aux observateurs les plus avertis.

Le programme présidentiel, par opposition à celui de François Fillon, affichait une dimension "libérale et en même temps sociale", dont doutent de nombreux Français qui souffrent d'un sentiment de déclassement et se demandent à qui vont profiter toutes ces réformes.

Différents sondages ont en effet montré que, depuis son accession à l'Elysée, Emmanuel Macron apparaît comme le "président des riches" pour plus de 75% des personnes interrogées, tandis que le gouvernement, composé largement d'experts et de technocrates, est perçu par beaucoup de Français comme déconnecté des réalités quotidiennes.

La bataille du rail n'est que la face visible de l'iceberg; celle de l'opinion sera déterminante. La communication jouera en effet un rôle tout aussi décisif, dans les semaines à venir, que la confrontation sociale. Selon un dernier sondage IFOP, 53% des Français jugent "injustifié" le projet de réforme de la SNCF destiné à abroger le statut particulier des cheminots et à ouvrir le rail à la concurrence privée à partir de 2019.

L'enjeu pour le chef de l'Etat français est considérable. Il veut réussir là où tant de ses prédécesseurs ont échoué. Jusqu'ici, il poursuit une voie médiane, laissant son Premier ministre en première ligne. Mais, moins d'un an après son élection, il pourrait être pris au piège de son credo du "en même temps".

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