Le protectionnisme de Donald Trump est un "nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle" (politologue)

Publié le 2018-03-10 à 17:24 | french.xinhuanet.com

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PARIS, 10 mars (Xinhua) -- "Le protectionnisme de Donald Trump est une sorte de nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle (...) Une guerre commerciale, c'est toujours perdant-perdant", indique Frédérique Berrod, professeur à l'Institut d'études politiques (IEP) de Strasbourg, dans un entretien accordé à Xinhua en réaction aux tarifs protectionnistes annoncés par le président américain sur les importations d'acier et d'aluminium.

Après plusieurs jours d'intenses spéculations, le président américain a signé jeudi soir deux documents controversés : des taxes de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, qui entreront en vigueur dans 15 jours. Ces mesures excluent "pour le moment" le Canada, premier partenaire commercial et premier fournisseur d'acier et d'aluminium des Etats-Unis, ainsi que le Mexique.

"Treize mois après son arrivée au pouvoir, Donald Trump marque ainsi un net virage protectionniste", commente Mme Berrod, qui enseigne également au Collège d'Europe de Bruges (Belgique).

"Cette décision était attendue, elle était contenue dans son programme. Elle n'en est pas moins alarmante", s'inquiète l'universitaire.

"Ce n'est pas tant la décision elle-même que l'effet que cela induit sur un marché déjà perturbé qui est problématique. Cela crée un précédent pour d'autres secteurs et pour d'autres pays qui ont déjà commencé à reprendre peu ou prou le même discours", poursuit-elle.

"Ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est que le président américain a pris cette décision malgré les fortes pressions exercées dans son propre camp", relève la politologue. L'annonce de ces droits de douane a en effet provoqué une véritable fronde au sein des Républicains. Mardi, le principal conseiller économique du président américain, Gary Cohn, a démissionné en raison de son opposition à ces mesures.

Le président républicain de la Chambre des représentants américaine, Paul Ryan, a clairement marqué sa désapprobation, redoutant des "conséquences imprévues", tandis que le sénateur républicain, Jeff Flake, a annoncé le dépôt prochainement d'une proposition de loi visant à annuler ces taxes.

"Le protectionnisme de Donald Trump est une sorte de nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle", estime Mme Berrod, qui doute de l'efficacité de telles mesures sur le plan économique pour les Etats-Unis.

"Des mesures protectionnistes sur l'acier ont déjà été tentées par le passé. Elles ont sauvé très peu d'emplois dans les aciéries américaines tout en détruisant un grand nombre dans les entreprises américaines qui avaient besoin d'acier et ne pouvaient pas l'acheter au prix américain", rappelle-t-elle.

"Cette idée du protectionnisme, qui n'est plus reliée à la question de l'efficacité, clive le paysage politique et ne permet pas le débat, car elle est présentée comme une sorte de vérité auto-proclamée. C'est une réponse très populiste, démagogique, qui fait partie du paysage politique et qui marche avec une couche de la population", développe-t-elle.

Interrogée par Xinhua sur les motivations de Donald Trump, la politologue s'étonne de son positionnement protectionniste eu égard à son parcours dans les affaires. "Peut-être est-il auto-convaincu de ces mesures protectionnistes qui flattent sa tendance démagogue", centrée sur le principe de "l'Amérique d'abord", ajoute-t-elle.

"Je ne suis pas sûre non plus qu'il sache très bien où il va. Il touche à des équilibres sans savoir ce qu'il va mettre derrière", estime-t-elle.

Mme Berrod partage en outre l'avis de nombreux observateurs qui estiment que Donald Trump veut la mort de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). "L'OMC, ça l'embête.Il montre les muscles, tape du poing sur la table, en espérant que cela suffise. Les Etats-Unis font sans l'OMC, dans une approche bilatérale qui relève purement du rapport de force. Or, en affaiblissant à la fois la logique et les institutions du multilatéralisme, on ne va pas créer des logiques de solidarité ou des logiques de coopération entre Etats (...) Pour moi, c'est du perdant-perdant", observe-t-elle.

L'administration américaine a multiplié ces derniers mois les entraves au fonctionnement de l'institution, en bloquant notamment la nomination de trois juges siégeant au sein de l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC. Les Etats-Unis pourraient donc techniquement être en mesure de paralyser le règlement des différends, en particulier ceux visant ses nouvelles taxes sur l'acier et l'aluminium.

"C'est vrai que l'OMC est affaiblie, mais j'espère qu'il va pouvoir s'y jouer certaines choses. La clé pourrait venir de la Chine, plus que de l'Union européenne, dans le rapport de force dans le cadre de l'OMC. Ce serait plus compliqué pour les Etats-Unis, car cela les mettrait devant leur logique qui est non seulement protectionniste, mais aussi isolationniste. L'OMC pourrait alors être le contre-pouvoir à l'espèce de politique hors sol de Donald Trump", estime Mme Berrod.

L'Union européenne répète qu'une guerre commerciale serait préjudiciable à tous. La France, par la voix du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dit "regretter" la décision de Donald Trump, tandis que Londres a estimé qu'il agissait de la "mauvaise manière". Le Brésil, deuxième fournisseur d'acier des Etats-Unis, a fait pour sa part savoir qu'il comptait "protéger ses intérêts". Le Japon a également annoncé qu'il réagirait.

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Le protectionnisme de Donald Trump est un "nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle" (politologue)

Publié le 2018-03-10 à 17:24 | french.xinhuanet.com

PARIS, 10 mars (Xinhua) -- "Le protectionnisme de Donald Trump est une sorte de nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle (...) Une guerre commerciale, c'est toujours perdant-perdant", indique Frédérique Berrod, professeur à l'Institut d'études politiques (IEP) de Strasbourg, dans un entretien accordé à Xinhua en réaction aux tarifs protectionnistes annoncés par le président américain sur les importations d'acier et d'aluminium.

Après plusieurs jours d'intenses spéculations, le président américain a signé jeudi soir deux documents controversés : des taxes de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, qui entreront en vigueur dans 15 jours. Ces mesures excluent "pour le moment" le Canada, premier partenaire commercial et premier fournisseur d'acier et d'aluminium des Etats-Unis, ainsi que le Mexique.

"Treize mois après son arrivée au pouvoir, Donald Trump marque ainsi un net virage protectionniste", commente Mme Berrod, qui enseigne également au Collège d'Europe de Bruges (Belgique).

"Cette décision était attendue, elle était contenue dans son programme. Elle n'en est pas moins alarmante", s'inquiète l'universitaire.

"Ce n'est pas tant la décision elle-même que l'effet que cela induit sur un marché déjà perturbé qui est problématique. Cela crée un précédent pour d'autres secteurs et pour d'autres pays qui ont déjà commencé à reprendre peu ou prou le même discours", poursuit-elle.

"Ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est que le président américain a pris cette décision malgré les fortes pressions exercées dans son propre camp", relève la politologue. L'annonce de ces droits de douane a en effet provoqué une véritable fronde au sein des Républicains. Mardi, le principal conseiller économique du président américain, Gary Cohn, a démissionné en raison de son opposition à ces mesures.

Le président républicain de la Chambre des représentants américaine, Paul Ryan, a clairement marqué sa désapprobation, redoutant des "conséquences imprévues", tandis que le sénateur républicain, Jeff Flake, a annoncé le dépôt prochainement d'une proposition de loi visant à annuler ces taxes.

"Le protectionnisme de Donald Trump est une sorte de nouveau dogme politique qui ne répond pas à une logique rationnelle", estime Mme Berrod, qui doute de l'efficacité de telles mesures sur le plan économique pour les Etats-Unis.

"Des mesures protectionnistes sur l'acier ont déjà été tentées par le passé. Elles ont sauvé très peu d'emplois dans les aciéries américaines tout en détruisant un grand nombre dans les entreprises américaines qui avaient besoin d'acier et ne pouvaient pas l'acheter au prix américain", rappelle-t-elle.

"Cette idée du protectionnisme, qui n'est plus reliée à la question de l'efficacité, clive le paysage politique et ne permet pas le débat, car elle est présentée comme une sorte de vérité auto-proclamée. C'est une réponse très populiste, démagogique, qui fait partie du paysage politique et qui marche avec une couche de la population", développe-t-elle.

Interrogée par Xinhua sur les motivations de Donald Trump, la politologue s'étonne de son positionnement protectionniste eu égard à son parcours dans les affaires. "Peut-être est-il auto-convaincu de ces mesures protectionnistes qui flattent sa tendance démagogue", centrée sur le principe de "l'Amérique d'abord", ajoute-t-elle.

"Je ne suis pas sûre non plus qu'il sache très bien où il va. Il touche à des équilibres sans savoir ce qu'il va mettre derrière", estime-t-elle.

Mme Berrod partage en outre l'avis de nombreux observateurs qui estiment que Donald Trump veut la mort de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). "L'OMC, ça l'embête.Il montre les muscles, tape du poing sur la table, en espérant que cela suffise. Les Etats-Unis font sans l'OMC, dans une approche bilatérale qui relève purement du rapport de force. Or, en affaiblissant à la fois la logique et les institutions du multilatéralisme, on ne va pas créer des logiques de solidarité ou des logiques de coopération entre Etats (...) Pour moi, c'est du perdant-perdant", observe-t-elle.

L'administration américaine a multiplié ces derniers mois les entraves au fonctionnement de l'institution, en bloquant notamment la nomination de trois juges siégeant au sein de l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC. Les Etats-Unis pourraient donc techniquement être en mesure de paralyser le règlement des différends, en particulier ceux visant ses nouvelles taxes sur l'acier et l'aluminium.

"C'est vrai que l'OMC est affaiblie, mais j'espère qu'il va pouvoir s'y jouer certaines choses. La clé pourrait venir de la Chine, plus que de l'Union européenne, dans le rapport de force dans le cadre de l'OMC. Ce serait plus compliqué pour les Etats-Unis, car cela les mettrait devant leur logique qui est non seulement protectionniste, mais aussi isolationniste. L'OMC pourrait alors être le contre-pouvoir à l'espèce de politique hors sol de Donald Trump", estime Mme Berrod.

L'Union européenne répète qu'une guerre commerciale serait préjudiciable à tous. La France, par la voix du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dit "regretter" la décision de Donald Trump, tandis que Londres a estimé qu'il agissait de la "mauvaise manière". Le Brésil, deuxième fournisseur d'acier des Etats-Unis, a fait pour sa part savoir qu'il comptait "protéger ses intérêts". Le Japon a également annoncé qu'il réagirait.

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