"La France va entrer dans une politique de dévaluation interne", selon l'économiste Christophe Brochard (INTERVIEW)
Publié le 2017-08-26 à 19:55 | french.xinhuanet.com
PARIS, 26 août (Xinhua) -- Dans un entretien accordé à Xinhua, l'économiste Christophe Brochard, chargé de cours en master de gestion de patrimoine à l'Université de Strasbourg, décrypte l'étude annuelle du Fonds monétaire international (FMI) sur les déséquilibres des paiements internationaux, publiée fin juillet.
Selon ce rapport, l'euro est en réalité surévalué de 6,8% pour la France, tandis qu'il est sous-évalué d'environ 18% pour l'Allemagne. "Comme on ne peut pas dévaluer la monnaie, on va entrer en France dans une politique appelée ouvertement de dévaluation interne", avance-t-il.
"Le déficit commercial de la France ne cesse de croître. L'énorme problème d'Emmanuel Macron va consister à mettre en œuvre la politique qui a été imposée à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal. Comme on ne peut pas dévaluer la monnaie, on va entrer dans une politique appelée ouvertement de dévaluation interne", observe Christophe Brochard.
"En clair, on va baisser tous les prix en France, les retraites, les salaires aussi, pour faire en sorte que ce soit aussi peu cher de travailler en France qu'ailleurs. Une telle politique ne peut amener qu'à des mesures récessives", estime-t-il.
"La relative bonne conjoncture actuelle va d'abord atténuer un peu les choses, mais à terme cela va être très compliqué économiquement pour la France et l'UE. La zone euro bénéficie depuis deux ans environ de conditions économiques extraordinairement favorables : des taux d'intérêt à 0%, un euro en forte baisse face au dollar, et un prix du pétrole durablement réduit. Et, bien que tardivement, et plutôt mollement eu égard à l'importance des stimuli cités ci-dessus et de l'importance du soutien de la BCE, la zone euro profite enfin, elle aussi, de la croissance mondiale depuis quelques mois. Les statistiques le prouvent : la croissance revient", résume l'économiste.
"Mais fatalement, 'l'alignement des planètes', comme l'appellent les analystes, va alors peu à peu prendre fin, et il pourrait devenir l'alignement des météorites. En effet, le retour de la croissance et d'une inflation même faible, contraindra tôt ou tard la BCE à diminuer son soutien monétaire à la zone, voire, d'ici quelques années, à augmenter les taux d'intérêt. Les injections de la BCE ont déjà été réduites en avril, de 80 milliards d'euros par mois, à 60 milliards. Et l'ensemble des intervenants de marchés attendent avec inquiétude la conférence de presse de Mario Draghi du mois de septembre, pour savoir à quelle vitesse il compte durcir sa politique monétaire, et quelles seront les conséquences sur les taux d'intérêt", observe-t-il.
"En outre, quelques statistiques américaines ambiguës ces derniers mois ont laissé penser à certains que le formidable et apparemment inextinguible cycle de croissance américain (le deuxième plus long de son Histoire) pourrait donner enfin quelques signes d'affaiblissement", ajoute-t-il.
"L'euro, qui avait baissé de plus de 30% face au dollar, est reparti à la hausse ces derniers mois. L'euro est passé de 1,05 dollar en avril 2017, à 1,19 dollar début août - soit une hausse de plus de 10% très rapide, sur des monnaies du G4", poursuit-il.
Avant de conclure : "Or, la hausse de l'euro est un frein fort à l'économie de la zone euro. Depuis le début du mois de mai, naturellement pénalisées par la hausse de l'euro, les actions de la zone euro sont entrées dans une phase de baisse lente et continue."