"Les Français ont un vrai problème culturel avec l'économie", selon l'économiste Christophe Brochard (INTERVIEW)
Publié le 2017-08-26 à 19:15 | french.xinhuanet.com
PARIS, 26 août (Xinhua) -- Dans un entretien accordé à Xinhua, l'économiste français Christophe Brochard affirme qu'au-delà "des freins à la croissance que sont un coût du travail élevé, une fiscalité décourageante, toutes sortes d'obstacles législatifs et réglementaires et un chômage de masse", "l'écosystème français est culturellement défavorable à l'économie", l'Hexagone recelant pourtant d'"incroyables atouts".
"La zone euro, y compris la France, bénéficie depuis deux ans environ de conditions économiques extraordinairement bonnes : des taux d'intérêts à 0%, un euro en forte baisse face au dollar, et un prix du pétrole durablement réduit. 'L'alignement des planètes', comme l'appellent les analystes du monde entier. Or, si la France connaît une embellie économique, dans une telle configuration, pour dire les choses simplement, la croissance devrait s'élever à 4%, non à 2%", estime l'économiste, chargé de cours en master de gestion de patrimoine à l'Université de Strasbourg.
De là à conclure, comme on l'entend souvent, que la France est "irréformable", il n'y a qu'un pas, que Christophe Brochard ne franchit cependant pas.
"Les Français ont un vrai problème culturel avec l'économie. Selon moi, le mal principal de la France aujourd'hui, tant au niveau de sa classe politique que dans la population, c'est que le travail dans son ensemble est complètement déconsidéré. On observe par ailleurs à tous les étages une très large suspicion, souvent idéologique, à l'égard du privé et de l'entreprise", considère-t-il.
"D'autre part, on dresse les salariés et les entrepreneurs les uns contre les autres, comme si on avait perdu le sens de l'intérêt public, y compris dans la fonction publique qui a tendance à fonctionner en vase clos. Des corps intermédiaires, qui sont très puissants, défendent leur pré carré et n'ont pas intérêt à ce qu'on réforme quoi que soit", poursuit-il.
"A cause des charges qui pèsent en France sur les salaires, le coût total du travail est l'un des plus élevés de l'OCDE. Dans le même temps, le salaire net est parmi les plus faibles. Et les sociétés françaises figurent parmi celles qui sont les moins rentables en Europe. Or, tout le monde est pénalisé par le poids de l'Etat qui prélève 60% du PIB. Certes, une part est redistribuée, mais la gestion de l'argent public doit être analysée et l'efficacité des politiques publiques examinée au plus près", développe l'économiste.
Interrogé sur la "révolution culturelle" promise par le président Emmanuel Macron et les mesures phares de sa politique économique, Christophe Brochard se montre perplexe. "Comment peut-on relancer la croissance en augmentant la CSG (contribution sociale généralisée) de 20 milliards ?", répond l'économiste.
La CSG est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale, prélevé sur l'ensemble des revenus des personnes résidant en France. Elle concerne les revenus d'activité (salaires, primes et indemnités diverses), les revenus de remplacement (pensions de retraite, allocations chômage, indemnités journalières...), les revenus du patrimoine (revenus fonciers, rentes viagères...), les revenus de placement (revenus mobiliers, plus-values immobilières...), les sommes engagées ou redistribuées par les jeux.
Initialement fixé à 1,1%, son taux est passé à 2,4% en 1993, à 3,4% en 1996 et à 7,5% en 1998. Dans un communiqué diffusé mercredi, confirmant une information dévoilée par le journal Les Echos, le gouvernement a reconnu que la suppression partielle des cotisations sociales salariales et leur transfert vers la CSG, prévue pour être intégralement mise en oeuvre le 1er janvier 2018, devrait se faire en deux fois.
Après l'exonération de la taxe d'habitation, c'est une deuxième promesse emblématique du candidat Macron qui va être étalée dans le temps. A quelques jours de la rentrée, le report à l'automne 2018 d'une partie des gains de pouvoir d'achat promis par M. Macron aux salariés pendant la campagne n'apparaît pas comme un signal très positif aux yeux des économistes de l'Hexagone.