France : "le casting du premier gouvernement de Macron est avant tout tactique", estime une politologue (INTERVIEW)

Publié le 2017-05-20 à 18:47 | french.xinhuanet.com

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PARIS, 19 mai (Xinhua) -- Pour la docteure en sciences politiques Virginie Martin, qui enseigne à la Kedge Business School, le premier gouvernement du quinquennat du président Emmanuel Macron répond d'abord à des considérations stratégiques en vue des législatives.

"Le casting est réussi d'un point de vue tactique, mais c'est une autre affaire sur le plan politique", relève-t-elle, dans un entretien accordé à Xinhua. Pour elle, la composition, dévoilée jeudi, de cette première équipe gouvernementale demande à être examinée de plus près.

"Ceux qui veulent voir le verre à moitié plein diront que le fondateur du mouvement En Marche! a tenu l'essentiel de ses promesses. Pourtant, c'est d'abord et avant tout un casting politicien, tactique et stratégique qui vise, après avoir siphonné le Parti socialiste, à donner des gages à la droite et affaiblir Les Républicains (LR) en vue des législatives. Quant au renouvellement politique, il reste relatif", résume-t-elle.

Outre le Premier ministre Edouard Philippe, le nouveau gouvernement comprend 19 ministres et quatre secrétaires d'Etat. Si on exclut M. Philippe, l'exécutif est totalement paritaire. Sur les 22 membres, 11 sont par ailleurs issus de la société civile. Quatre formations politiques sont représentées: trois ministres sont issus des Républicains, quatre du PS, trois du MoDem (centre) dont son fondateur François Bayrou qui s'était rallié à Emmanuel Macron avant le premier tour de la présidentielle, et deux du Parti radical de gauche (PRG).

"Après un premier signal avec la désignation d'un chef de gouvernement de droite, choisir Bruno Le Maire comme ministre de l'Economie et Gérald Darmanin comme ministre de l'Action et des Comptes publics est un message très clair à l'électorat de LR dans le but de tirer profit de la ligne de fracture en son sein. Emmanuel Macron espère provoquer une hémorragie et il n'est pas exclu qu'il y parvienne", considère Virginie Martin.

"On a parfois l'impression d'assister à un jeu de go. Avec des prises de guerre qui déstabilisent les structures partisanes et leurs électorats, le nouveau gouvernement tente d'apparaître comme le pôle central face à des radicalités politiques qui ne sont pas des choix envisageables pour beaucoup de Français", ajoute-t-elle.

"Ce gouvernement a quelque chose qui relève presque de la chimie. Il est composé d'individus, de personnalités qui, par leur parcours, vont séduire tel ou tel segment de l'électorat, mais cela ne constitue pas un tout. On est loin d'un modèle de coalition à l'allemande. Ce n'est pas En Marche! qui travaille avec le PS et LR, c'est En Marche! qui casse le PS et LR", affirme la politologue.

"Emmanuel Macron prône un libéralisme économique que la gauche peut accepter et un libéralisme culturel que la droite peut accepter. Mais il reste, jusqu'ici, le passager clandestin du Parti socialiste, tout en nous racontant autre chose", avance l'enseignante à la Kedge Business School.

Concernant le renouvellement politique promis par le fondateur d'En Marche!, Virginie Martin s'interroge: "Où commence la société civile? Où elle finit? Il faudrait la définir. Quand vous regardez de plus près les CV des membres du gouvernement présentés comme issus de la société civile, vous observez qu'ils ont presque tous participé à des campagnes ou ont été élus".

Par ailleurs, Mme Martin note qu'à 70-80%, "ce sont des grosses têtes d'affiches qui gèrent les postes clés du gouvernement". François Bayrou, 65 ans, à la Justice, Jean-Yves Le Drian, 69 ans, aux Affaires étrangères et européennes, Gérard Collomb, 69 ans, à l'Intérieur, "ce sont de vieux routiers de l'échiquier politique français qui font de la politique à l'ancienne", relève-t-elle, pointant du doigt les "clichés autour de la modernité" et le "storytelling".

Le gouvernement Philippe est d'abord un "gouvernement de combat", avec un président Macron qui veut "maîtriser la communication" en vue des législatives, considère Virginie Martin.

Interrogée sur la capacité de La République en marche (REM) d'obtenir la majorité absolue lors des législatives, un scénario envisagé par de récents sondages, la politologue répond: "Les enquêtes d'opinion, jusqu'ici, ont été conduites au niveau national. Donc il faut relativiser. Néanmoins, c'est possible, notamment en raison de la déroute du PS et de sa décomposition sociologique. Les électeurs PS qui ont voté Macron au deuxième tour (de la présidentielle) ne semblent pas revenir au PS. Et sur le terrain, des députés fortement implantés disent n'être plus audibles".

Concernant le positionnement très pro-européen du président Macron, Virginie Martin relève enfin que le nouveau pouvoir doit "affronter un très gros défi : faire avancer l'Europe politique". "Le tandem Sylvie Goulard, ministre des Armées, et Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, peut être très intéressant s'il parvient à fédérer les énergies, notamment sur la question de la défense européenne", estime-t-elle.

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France : "le casting du premier gouvernement de Macron est avant tout tactique", estime une politologue (INTERVIEW)

Publié le 2017-05-20 à 18:47 | french.xinhuanet.com

PARIS, 19 mai (Xinhua) -- Pour la docteure en sciences politiques Virginie Martin, qui enseigne à la Kedge Business School, le premier gouvernement du quinquennat du président Emmanuel Macron répond d'abord à des considérations stratégiques en vue des législatives.

"Le casting est réussi d'un point de vue tactique, mais c'est une autre affaire sur le plan politique", relève-t-elle, dans un entretien accordé à Xinhua. Pour elle, la composition, dévoilée jeudi, de cette première équipe gouvernementale demande à être examinée de plus près.

"Ceux qui veulent voir le verre à moitié plein diront que le fondateur du mouvement En Marche! a tenu l'essentiel de ses promesses. Pourtant, c'est d'abord et avant tout un casting politicien, tactique et stratégique qui vise, après avoir siphonné le Parti socialiste, à donner des gages à la droite et affaiblir Les Républicains (LR) en vue des législatives. Quant au renouvellement politique, il reste relatif", résume-t-elle.

Outre le Premier ministre Edouard Philippe, le nouveau gouvernement comprend 19 ministres et quatre secrétaires d'Etat. Si on exclut M. Philippe, l'exécutif est totalement paritaire. Sur les 22 membres, 11 sont par ailleurs issus de la société civile. Quatre formations politiques sont représentées: trois ministres sont issus des Républicains, quatre du PS, trois du MoDem (centre) dont son fondateur François Bayrou qui s'était rallié à Emmanuel Macron avant le premier tour de la présidentielle, et deux du Parti radical de gauche (PRG).

"Après un premier signal avec la désignation d'un chef de gouvernement de droite, choisir Bruno Le Maire comme ministre de l'Economie et Gérald Darmanin comme ministre de l'Action et des Comptes publics est un message très clair à l'électorat de LR dans le but de tirer profit de la ligne de fracture en son sein. Emmanuel Macron espère provoquer une hémorragie et il n'est pas exclu qu'il y parvienne", considère Virginie Martin.

"On a parfois l'impression d'assister à un jeu de go. Avec des prises de guerre qui déstabilisent les structures partisanes et leurs électorats, le nouveau gouvernement tente d'apparaître comme le pôle central face à des radicalités politiques qui ne sont pas des choix envisageables pour beaucoup de Français", ajoute-t-elle.

"Ce gouvernement a quelque chose qui relève presque de la chimie. Il est composé d'individus, de personnalités qui, par leur parcours, vont séduire tel ou tel segment de l'électorat, mais cela ne constitue pas un tout. On est loin d'un modèle de coalition à l'allemande. Ce n'est pas En Marche! qui travaille avec le PS et LR, c'est En Marche! qui casse le PS et LR", affirme la politologue.

"Emmanuel Macron prône un libéralisme économique que la gauche peut accepter et un libéralisme culturel que la droite peut accepter. Mais il reste, jusqu'ici, le passager clandestin du Parti socialiste, tout en nous racontant autre chose", avance l'enseignante à la Kedge Business School.

Concernant le renouvellement politique promis par le fondateur d'En Marche!, Virginie Martin s'interroge: "Où commence la société civile? Où elle finit? Il faudrait la définir. Quand vous regardez de plus près les CV des membres du gouvernement présentés comme issus de la société civile, vous observez qu'ils ont presque tous participé à des campagnes ou ont été élus".

Par ailleurs, Mme Martin note qu'à 70-80%, "ce sont des grosses têtes d'affiches qui gèrent les postes clés du gouvernement". François Bayrou, 65 ans, à la Justice, Jean-Yves Le Drian, 69 ans, aux Affaires étrangères et européennes, Gérard Collomb, 69 ans, à l'Intérieur, "ce sont de vieux routiers de l'échiquier politique français qui font de la politique à l'ancienne", relève-t-elle, pointant du doigt les "clichés autour de la modernité" et le "storytelling".

Le gouvernement Philippe est d'abord un "gouvernement de combat", avec un président Macron qui veut "maîtriser la communication" en vue des législatives, considère Virginie Martin.

Interrogée sur la capacité de La République en marche (REM) d'obtenir la majorité absolue lors des législatives, un scénario envisagé par de récents sondages, la politologue répond: "Les enquêtes d'opinion, jusqu'ici, ont été conduites au niveau national. Donc il faut relativiser. Néanmoins, c'est possible, notamment en raison de la déroute du PS et de sa décomposition sociologique. Les électeurs PS qui ont voté Macron au deuxième tour (de la présidentielle) ne semblent pas revenir au PS. Et sur le terrain, des députés fortement implantés disent n'être plus audibles".

Concernant le positionnement très pro-européen du président Macron, Virginie Martin relève enfin que le nouveau pouvoir doit "affronter un très gros défi : faire avancer l'Europe politique". "Le tandem Sylvie Goulard, ministre des Armées, et Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, peut être très intéressant s'il parvient à fédérer les énergies, notamment sur la question de la défense européenne", estime-t-elle.

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