France/Présidentielle 2017 : les mesures préconisées par le Front National "ne sont pas réalisables" (INTERVIEW)

Publié le 2017-03-02 à 14:30 | french.xinhuanet.com

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PARIS, 2 mars (Xinhua) -- Si la France sortait de l'Union européenne, comme Marine Le Pen le préconise, le pays en payerait le prix fort, a estimé Jean-Yves Camus, politologue français et directeur de l'Observatoire des radicalités politiques-Fondation Jean-Jaurès, dans une interview accordée à Xinhua.

Selon le politologue, si la France sortait de l'Union européenne, "toutes les mesures économiques et sociales du programme frontiste [deviendraient] applicables, puisque la France [se serait] dégagée de ses engagements internationaux les plus contraignants". Toutefois, leur mise en oeuvre entraînerait deux problèmes. D'abord, "celui de savoir quel est le prix à payer par la France en termes d'image et d'attractivité économique". Un prix qui serait "énorme".

Deuxième problème : celui d'évaluer si, "techniquement, les mesures préconisées par le Front National sont réalisables. Or, clairement, certaines entraîneraient des mesures de rétorsion de nos partenaires, comme la taxation des entreprises qui emploient des étrangers. Interdire la double nationalité avec un pays non européen, comme par exemple la Chine, c'est un message de défiance. Ramener le solde net des flux migratoires à 10.000 entrées par an, cela ne correspond pas aux besoins de l'économie française", prévient-il, ajoutant que l'Union européenne, pour sa part, "se trouverait totalement affaiblie et la prédominance politique et économique de l'Allemagne serait alors sans partage".

Une victoire du Front National aurait un impact direct tant sur le plan national qu'européen, car cela signifierait que la "démocratie représentative" serait remplacée par "la démocratie directe", explique-t-il.

Inscrire dans la Constitution le fait que la République "ne reconnaît aucune communauté" est un déni de réalité, estime Jean-Yves Camus, car "cela oblige les français d'origine étrangère, y compris chinoise, à couper tout lien, y compris culturel, avec leur pays d'origine. Comme s'ils représentaient une menace pour notre pays". "Le modèle d'immigration de la France passerait de l'intégration à celui de l'assimilation, qui signifie que tout immigré obtenant la nationalité française devrait oublier sa langue, sa culture d'origine", précise le politologue.

"Le paradoxe est en effet que le Front National est en progression continue au premier tour des scrutins, par exemple aux régionales de décembre 2015, mais qu'il est régulièrement battu au deuxième, parce que se dresse contre lui le mur de tous les autres électeurs, du moins aux élections autres que locales", a-t-il affirmé, précisant que pour que cette situation change, "il faudrait qu'une fraction conséquente des électeurs de la droite fassent défection vers le Front National. Pour l'instant, cela n'a jamais été le cas".

Interrogé sur l'évolution du Front National en cas de non-élection à la présidentielle de 2017, Jean-Yves Camus estime que la dynamique qui porte actuellement Marine Le Pen ne pourrait pas aller au-delà, "sauf si l'état-major de la droite et une majorité de ses électeurs considèrent le Front National comme un partenaire acceptable, ce qui a très peu de chance d'arriver, car de nombreux électeurs de droite sont persuadés que le programme du Front National est 'trop à gauche', avec un Etat trop présent et un manque de libertés pour les entreprises".

En outre, l'électorat du Front National se caractérise par un faible niveau de diplôme : "Plus les personnes sont diplômées, moins elles sont susceptibles de voter pour le Front National", a indiqué Jean-Yves Camus, qui précise qu'une adhésion à l'idéologie du parti d'extrême-droite n'est pas forcément liée aux revenus. Le noyau dur de l'électorat du Front National est populaire, touchant notamment des ouvriers, des chômeurs et des employés peu diplômés. "Fait nouveau, on observe une percée assez importante auprès des fonctionnaires (30% aux régionales de 2015), qui souffrent du manque de revalorisation de leur emploi et de l'absence de perspective de la fonction publique, ainsi qu'auprès d'une partie des employés hospitaliers", souligne-t-il.

"Ces gens ont le sentiment que le service public est en crise et que l'Etat français a beaucoup privatisé et s'efface. Les entreprises publiques sont quant à elles soumises à de fortes restrictions budgétaires", indique le politologue.

De nouvelles percées sont constatées dans deux autres groupes depuis les élections régionales de 2015, lors desquelles le Front National avait atteint un score historique de 28%, à savoir "les 18-24 ans qui n'ont pas de diplôme supérieur au baccalauréat" et "les forces de l'ordre, qui ont le sentiment que l'autorité se délite, et parmi lesquelles certains ont une attitude méfiante, voire hostile aux immigrés", explique Jean-Yves Camus.

La candidate d'extrême-droite, Marine Le Pen, souhaite mettre fin à toute forme de "communautarisme". "L'interdiction qu'elle veut mettre en place concernant ce qu'elle appelle le communautarisme et les associations communautaristes, on ne sait pas très bien ce que ça veut dire. Est-ce que ça ne touche pas toutes les associations communautaires ? Il y en a beaucoup originaires de Chine en France et à Paris, très actives. Est-ce que Marine Le Pen les considérera comme des associations communautaristes ? Est-ce qu'elles sont communautaristes ? Non, elles ne demandent pas de droits spéciaux pour les Français d'origine chinoise. Elles cherchent à les rassembler sur la base d'une région d'origine, d'une activité professionnelle commune, et cela, visiblement, pose problème au Front National", explique le politologue.

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France/Présidentielle 2017 : les mesures préconisées par le Front National "ne sont pas réalisables" (INTERVIEW)

Publié le 2017-03-02 à 14:30 | french.xinhuanet.com

PARIS, 2 mars (Xinhua) -- Si la France sortait de l'Union européenne, comme Marine Le Pen le préconise, le pays en payerait le prix fort, a estimé Jean-Yves Camus, politologue français et directeur de l'Observatoire des radicalités politiques-Fondation Jean-Jaurès, dans une interview accordée à Xinhua.

Selon le politologue, si la France sortait de l'Union européenne, "toutes les mesures économiques et sociales du programme frontiste [deviendraient] applicables, puisque la France [se serait] dégagée de ses engagements internationaux les plus contraignants". Toutefois, leur mise en oeuvre entraînerait deux problèmes. D'abord, "celui de savoir quel est le prix à payer par la France en termes d'image et d'attractivité économique". Un prix qui serait "énorme".

Deuxième problème : celui d'évaluer si, "techniquement, les mesures préconisées par le Front National sont réalisables. Or, clairement, certaines entraîneraient des mesures de rétorsion de nos partenaires, comme la taxation des entreprises qui emploient des étrangers. Interdire la double nationalité avec un pays non européen, comme par exemple la Chine, c'est un message de défiance. Ramener le solde net des flux migratoires à 10.000 entrées par an, cela ne correspond pas aux besoins de l'économie française", prévient-il, ajoutant que l'Union européenne, pour sa part, "se trouverait totalement affaiblie et la prédominance politique et économique de l'Allemagne serait alors sans partage".

Une victoire du Front National aurait un impact direct tant sur le plan national qu'européen, car cela signifierait que la "démocratie représentative" serait remplacée par "la démocratie directe", explique-t-il.

Inscrire dans la Constitution le fait que la République "ne reconnaît aucune communauté" est un déni de réalité, estime Jean-Yves Camus, car "cela oblige les français d'origine étrangère, y compris chinoise, à couper tout lien, y compris culturel, avec leur pays d'origine. Comme s'ils représentaient une menace pour notre pays". "Le modèle d'immigration de la France passerait de l'intégration à celui de l'assimilation, qui signifie que tout immigré obtenant la nationalité française devrait oublier sa langue, sa culture d'origine", précise le politologue.

"Le paradoxe est en effet que le Front National est en progression continue au premier tour des scrutins, par exemple aux régionales de décembre 2015, mais qu'il est régulièrement battu au deuxième, parce que se dresse contre lui le mur de tous les autres électeurs, du moins aux élections autres que locales", a-t-il affirmé, précisant que pour que cette situation change, "il faudrait qu'une fraction conséquente des électeurs de la droite fassent défection vers le Front National. Pour l'instant, cela n'a jamais été le cas".

Interrogé sur l'évolution du Front National en cas de non-élection à la présidentielle de 2017, Jean-Yves Camus estime que la dynamique qui porte actuellement Marine Le Pen ne pourrait pas aller au-delà, "sauf si l'état-major de la droite et une majorité de ses électeurs considèrent le Front National comme un partenaire acceptable, ce qui a très peu de chance d'arriver, car de nombreux électeurs de droite sont persuadés que le programme du Front National est 'trop à gauche', avec un Etat trop présent et un manque de libertés pour les entreprises".

En outre, l'électorat du Front National se caractérise par un faible niveau de diplôme : "Plus les personnes sont diplômées, moins elles sont susceptibles de voter pour le Front National", a indiqué Jean-Yves Camus, qui précise qu'une adhésion à l'idéologie du parti d'extrême-droite n'est pas forcément liée aux revenus. Le noyau dur de l'électorat du Front National est populaire, touchant notamment des ouvriers, des chômeurs et des employés peu diplômés. "Fait nouveau, on observe une percée assez importante auprès des fonctionnaires (30% aux régionales de 2015), qui souffrent du manque de revalorisation de leur emploi et de l'absence de perspective de la fonction publique, ainsi qu'auprès d'une partie des employés hospitaliers", souligne-t-il.

"Ces gens ont le sentiment que le service public est en crise et que l'Etat français a beaucoup privatisé et s'efface. Les entreprises publiques sont quant à elles soumises à de fortes restrictions budgétaires", indique le politologue.

De nouvelles percées sont constatées dans deux autres groupes depuis les élections régionales de 2015, lors desquelles le Front National avait atteint un score historique de 28%, à savoir "les 18-24 ans qui n'ont pas de diplôme supérieur au baccalauréat" et "les forces de l'ordre, qui ont le sentiment que l'autorité se délite, et parmi lesquelles certains ont une attitude méfiante, voire hostile aux immigrés", explique Jean-Yves Camus.

La candidate d'extrême-droite, Marine Le Pen, souhaite mettre fin à toute forme de "communautarisme". "L'interdiction qu'elle veut mettre en place concernant ce qu'elle appelle le communautarisme et les associations communautaristes, on ne sait pas très bien ce que ça veut dire. Est-ce que ça ne touche pas toutes les associations communautaires ? Il y en a beaucoup originaires de Chine en France et à Paris, très actives. Est-ce que Marine Le Pen les considérera comme des associations communautaristes ? Est-ce qu'elles sont communautaristes ? Non, elles ne demandent pas de droits spéciaux pour les Français d'origine chinoise. Elles cherchent à les rassembler sur la base d'une région d'origine, d'une activité professionnelle commune, et cela, visiblement, pose problème au Front National", explique le politologue.

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