Une star africaine en Chine qui ne se contente pas d'être une star
Publié le 2016-11-14 à 13:40 | french.xinhuanet.com
Par PENG Mengyao
Le "xiangsheng", ou dialogue comique chinois, est un art folklorique traditionnel qui requiert des compétences linguistiques exceptionnelles et une réflexion rapide extraordinaire. Autant les Chinois apprécient l'humour qu'il transmet, autant les étrangers le trouvent inaccessible - barrière linguistique oblige. Mais ce n'est pas le cas pour le Camerounais Francis Tchiégué.
Docteur en mathématiques et homme aux talents variés, Tchiégué a été enseignant de maths et animateur à la télévision et radio nationale du Cameroun avant de venir en Chine en 2003.
"Mon père m'emmenait souvent voir des films de kung-fu quand j'étais petit. J'étais fasciné par Bruce Lee, Jackie Chang... les arts martiaux qu'ils pratiquaient et la Chine lointaine", se souvient-il.
Un jour, l'opportunité s'est présentée. Il est parti pour ce pays dont il rêvait enfant afin de poursuivre ses études de doctorat en informatique à l'Université d'aéronautique et d'astronautique de Beijing avec une bourse du gouvernement chinois, mais sans maîtriser du tout la langue chinoise.
Installé depuis à peine un an dans la capitale chinoise, Tchiégué est tombé un jour sur une émission à la télé où un Canadien se livrait un numéro de dialogue comique chinois avec un Chinois agé. Impressionné par son niveau de langue et sa façon d'emporter le public, Tchiégué s'est dit : "Il est aussi étranger, mais il parle parfaitement chinois. Pourquoi ne puis-je pas en faire de même?".
Il est alors allé trouver le professeur du Canadien, Ding Guangquan, artiste et maître renommé du xiangsheng, le priant de le prendre comme disciple. Cependant, en raison de son niveau de chinois à l'époque, M. Ding a refusé à plusieurs reprises, avant de finir par lui donner une chance. Il lui a remis un extrait de dialogue comique chinois en lui laissant une semaine pour l'apprendre par coeur.
La mission était tellement difficile que même les amis chinois de Tchiégué l'ont trouvée impossible. Face à ce rejet "de facto", Tchiégué a fait encore une fois preuve de sa tenacité et du talent: au bout d'une semaine passée à réciter le texte comme un fou, il est allé voir M. Ding. "Quand je lui ai restitué d'un bout à l'autre avec presque le niveau professionnel requis, il a été impressionné et abasourdi", dit Tchiégué en souriant.
En étudiant le xiangsheng, Tchiégué a non seulement réussi à maîtriser impeccablement la langue mais s'est aussi rapproché des traditions chinoises. Il a ainsi appris avec brio divers types d'arts chinois, l'opéra de Pékin par exemple, et a assimilé la quintessence de la culture chinoise à travers la lecture d'oeuvres littéraires et philosophiques anciennes.
Aujourd'hui, Francis Tchiégué fait régulièrement des apparitions à la télévision chinoise: présentateur d'émission, invité à des programmes télévisés, acteur de xiangsheng... Pourtant, il ne se contente pas d'être une "star" africaine qui s'est fait remarquer par les Chinois. Pour lui, les échanges culturels doivent évidemment se réaliser dans deux sens.
Il s'active désormais à des activités sino-africaines allant des échanges culturels entre peuples jusqu'aux événements gouvernementaux du plus haut niveau. En 2009, Tchiégué a été nommé ambassadeur de la communication culturelle sino-africaine par les autorités chinoises.
Homme ambitieux et énergétique depuis toujours, il ne veut pas s'arrêter là. Son prochain but : construire un "pont de facilitation" pour les Africains en Chine et les Chinois en Afrique.
"J'ai rencontré en Chine pas mal d'étrangers -- pas seulement des Africains -- qui ont du mal à avoir affaire aux Chinois. J'ai également l'occasion d'accompagner des délégations chinoises en Afrique. Elles ont les mêmes difficultés en Afrique", constate Tchiégué.
"D'autre part, il y a aussi des étrangers qui connaissent bien la Chine -- je suis certainement pas le seul. J'aimerais associer ces 'connaisseurs de la Chine' pour faciliter la communication et la compréhension mutuelle. On pourrait, par exemple, commencer par établir une ONG en la matière. Et si on regarde encore plus loin, un mécanisme ou un organe dans le cadre gouvernemental serait-il possible? Cela servirait de véritable pont dans les deux sens", envisage Tchiégué.