L'"Europe de la Défense" n'arrive toujours pas à passer à l'attaque (ANALYSE)

Publié le 2016-10-25 à 01:57 | french.xinhuanet.com

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Par Claudine Girod-Boos

STRASBOURG, 24 octobre (Xinhua) -- Alors que les députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, réuni cette semaine en session plénière à Strasbourg, ont examiné, lundi, un rapport autour de l'"Union de la défense européenne", de nombreuses voix s'élèvent pour déplorer l'impuissance de la Vieille Europe à mettre sur pied une véritable armée commune et à se doter d'une politique étrangère à la hauteur de ses ambitions.

La résurgence de conflits "chauds" aux frontières de l'Union européenne (UE) et les signes de dégradation de la situation en matière de sécurité en son sein font resurgir un vieux serpent de mer : l'"Europe de la Défense". La définition progressive d'une politique de défense commune aux pays membres de l'Union, pouvant "conduire à une défense commune", a été introduite par le traité sur l'UE (art. 17) signé à Maastricht en 1992 mais tarde à se concrétiser.

L'UE ne dispose toujours pas d'une armée commune, telle que l'avait prévu le projet de Communauté européenne de défense rejeté par la France en 1954 et jusqu'ici, elle ne se "pense" pas comme une puissance militaire. Elle se conçoit elle-même, depuis ses origines, comme une "entreprise de pacification" et comme un "antidote à une expression violente de la puissance".

Pourtant, à l'instar du rapport examiné lundi par la commission des affaires étrangères du Parlement européen, les interrogations sur ces questions se multiplient. Des remises en question de la doxa en vigueur se font jour. L'UE devrait-elle renforcer ses capacités de défense et se diriger vers une coopération renforcée entre États membres ? Les auteurs du rapport, s'ils répondent tous deux par l'affirmative, n'ont sensiblement pas la même approche.

Dans leur document, l'eurodéputé libéral estonien Urmas Paet, et le parlementaire conservateur britannique Geoffrey Van Orden estiment que "l'UE devrait mobiliser ses propres ressources afin d'intensifier et de rendre plus systématique la coopération européenne en matière de défense".

Pour Urmas Paet, qui rappelle que tous les États membres de l'UE ne sont pas membres de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), cette coopération est essentielle car "il peut y avoir des situations et des domaines où le drapeau de l'OTAN est plus irritant que le drapeau de l'UE sur le terrain".

Le représentant du Royaume-Uni (qui entretient une relation historique étroite avec Washington) Geoffrey Van Orden estime par contre qu'il faudrait plutôt renforcer la coopération déjà existante avec l'OTAN. "Il s'agit d'une organisation de défense très efficace qui garantit l'engagement des États-Unis pour la sécurité des nations de l'UE. Voilà ce qui est important, voilà ce qui est crédible et voilà ce qu'il faut renforcer", juge-t-il.

Au-delà des divergences stratégiques et politiques, un consensus se dessine sur la nécessité de prendre à bras le corps la question de l'Europe de la Défense. Sur le plan militaire, l'UE prend des risques en dépendant de la capacité des seuls Etats membres. "L'Europe ne peut plus se contenter d'être une puissance douce", a d'ailleurs asséné le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans son discours programmatique annuel devant le Parlement européen, en septembre dernier, à Strasbourg.

"Une Europe qui protège est une Europe qui se défend", a en effet insisté l'ex-Premier ministre du Luxembourg (tout petit pays dont l'armée compte moins de 3000 hommes) qui prône la création d'un quartier général européen de la défense pour communautariser les ressources militaires. Face au terrorisme et à la multiplication des crises internationales, l'Europe "rétrécit", a encore déploré le président de la Commission européenne. "Où est l'Europe en Syrie? Nous devons avoir une stratégie. L'UE doit s'affirmer davantage", a-t-il poursuivi.

M. Juncker, qui propose la création d'un Fonds européen de la défense destiné à l'innovation, se joint par ailleurs aux nombreuses voix qui plaident pour que le poste actuellement occupé par la Haute représentante pour les affaires étrangères Federica Mogherini devienne un véritable ministère des Affaires étrangères de l'UE.

Ces objectifs en matière de défense et de politique étrangère se heurtent cependant à deux problèmes de taille. La question des finances d'abord. Il manquerait 20 à 100 milliards d'euros dans les budgets de dépenses en Europe, estiment des experts européens. Deuxième écueil et non des moindres : la désunion des Etats membres de l'UE sur un nombre croissant de dossiers, a fortiori sur les questions de défense, par définition des compétences nationales, dont la souveraineté ne peut être remise en cause sans susciter l'ire de la franche europhobe de la classe politique du Vieux continent.

Les partisans d'une armée européenne, au contraire, rappellent les événements de l'ex-Yougoslavie dans les années 1990 et l'incapacité de l'UE à mettre un terme au conflit en Bosnie, ainsi que les divergences stratégiques avec leur partenaire américain lors des opérations au Kosovo, pour plaider en faveur d'un renforcement de l'Europe de la Défense.

La récente annulation par Varsovie de la commande d'appareils à Airbus et l'achat, dans la foulée, de matériels américains mettent néanmoins clairement en lumière le manque de cohésion qui règne au sein des Etats membres de l'UE. "Les choix" polonais "nous préoccupent par rapport à la conception de la défense européenne", a commenté le Premier ministre français Manuel Valls tandis que le chef d'Etat français François Hollande a mis en garde les pays européens achetant uniquement des armes américaines.

"Traditionnellement attachée à l'OTAN, Varsovie le fait au détriment de ses alliances internes à l'UE. En ce qui concerne sa stratégie nationale de sécurité, elle fait passer l'UE au second rang : la Pologne considère que l'OTAN et les Etats-Unis sont garants de sa sécurité. Par ailleurs, elle est en train de renforcer sa défense. C'est le seul pays européen, et de loin, à faire un tel effort dans ce domaine", analyse Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po et cofondateur du site EurAsia Prospectives.

Lire aussi:

La France mise sur la détection, la prévention et la "déradicalisation" dans la lutte contre le terrorisme (SYNTHESE)

STRASBOURG, 18 octobre (Xinhua) -- Le préfet du département du Bas-Rhin (est de France) et de la zone de défense Est, Stéphane Fratacci, lors d'une rencontre avec la presse, mardi, à Strasbourg, a fait le point sur les modalités de la stratégie du gouvernement en matière de lutte contre la radicalisation dans l'Hexagone où le nombre d'individus susceptibles de constituer une menace terroriste est évalué à près de 15 000 selon les services de police et de renseignement.

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L'"Europe de la Défense" n'arrive toujours pas à passer à l'attaque (ANALYSE)

Publié le 2016-10-25 à 01:57 | french.xinhuanet.com

Par Claudine Girod-Boos

STRASBOURG, 24 octobre (Xinhua) -- Alors que les députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, réuni cette semaine en session plénière à Strasbourg, ont examiné, lundi, un rapport autour de l'"Union de la défense européenne", de nombreuses voix s'élèvent pour déplorer l'impuissance de la Vieille Europe à mettre sur pied une véritable armée commune et à se doter d'une politique étrangère à la hauteur de ses ambitions.

La résurgence de conflits "chauds" aux frontières de l'Union européenne (UE) et les signes de dégradation de la situation en matière de sécurité en son sein font resurgir un vieux serpent de mer : l'"Europe de la Défense". La définition progressive d'une politique de défense commune aux pays membres de l'Union, pouvant "conduire à une défense commune", a été introduite par le traité sur l'UE (art. 17) signé à Maastricht en 1992 mais tarde à se concrétiser.

L'UE ne dispose toujours pas d'une armée commune, telle que l'avait prévu le projet de Communauté européenne de défense rejeté par la France en 1954 et jusqu'ici, elle ne se "pense" pas comme une puissance militaire. Elle se conçoit elle-même, depuis ses origines, comme une "entreprise de pacification" et comme un "antidote à une expression violente de la puissance".

Pourtant, à l'instar du rapport examiné lundi par la commission des affaires étrangères du Parlement européen, les interrogations sur ces questions se multiplient. Des remises en question de la doxa en vigueur se font jour. L'UE devrait-elle renforcer ses capacités de défense et se diriger vers une coopération renforcée entre États membres ? Les auteurs du rapport, s'ils répondent tous deux par l'affirmative, n'ont sensiblement pas la même approche.

Dans leur document, l'eurodéputé libéral estonien Urmas Paet, et le parlementaire conservateur britannique Geoffrey Van Orden estiment que "l'UE devrait mobiliser ses propres ressources afin d'intensifier et de rendre plus systématique la coopération européenne en matière de défense".

Pour Urmas Paet, qui rappelle que tous les États membres de l'UE ne sont pas membres de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), cette coopération est essentielle car "il peut y avoir des situations et des domaines où le drapeau de l'OTAN est plus irritant que le drapeau de l'UE sur le terrain".

Le représentant du Royaume-Uni (qui entretient une relation historique étroite avec Washington) Geoffrey Van Orden estime par contre qu'il faudrait plutôt renforcer la coopération déjà existante avec l'OTAN. "Il s'agit d'une organisation de défense très efficace qui garantit l'engagement des États-Unis pour la sécurité des nations de l'UE. Voilà ce qui est important, voilà ce qui est crédible et voilà ce qu'il faut renforcer", juge-t-il.

Au-delà des divergences stratégiques et politiques, un consensus se dessine sur la nécessité de prendre à bras le corps la question de l'Europe de la Défense. Sur le plan militaire, l'UE prend des risques en dépendant de la capacité des seuls Etats membres. "L'Europe ne peut plus se contenter d'être une puissance douce", a d'ailleurs asséné le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans son discours programmatique annuel devant le Parlement européen, en septembre dernier, à Strasbourg.

"Une Europe qui protège est une Europe qui se défend", a en effet insisté l'ex-Premier ministre du Luxembourg (tout petit pays dont l'armée compte moins de 3000 hommes) qui prône la création d'un quartier général européen de la défense pour communautariser les ressources militaires. Face au terrorisme et à la multiplication des crises internationales, l'Europe "rétrécit", a encore déploré le président de la Commission européenne. "Où est l'Europe en Syrie? Nous devons avoir une stratégie. L'UE doit s'affirmer davantage", a-t-il poursuivi.

M. Juncker, qui propose la création d'un Fonds européen de la défense destiné à l'innovation, se joint par ailleurs aux nombreuses voix qui plaident pour que le poste actuellement occupé par la Haute représentante pour les affaires étrangères Federica Mogherini devienne un véritable ministère des Affaires étrangères de l'UE.

Ces objectifs en matière de défense et de politique étrangère se heurtent cependant à deux problèmes de taille. La question des finances d'abord. Il manquerait 20 à 100 milliards d'euros dans les budgets de dépenses en Europe, estiment des experts européens. Deuxième écueil et non des moindres : la désunion des Etats membres de l'UE sur un nombre croissant de dossiers, a fortiori sur les questions de défense, par définition des compétences nationales, dont la souveraineté ne peut être remise en cause sans susciter l'ire de la franche europhobe de la classe politique du Vieux continent.

Les partisans d'une armée européenne, au contraire, rappellent les événements de l'ex-Yougoslavie dans les années 1990 et l'incapacité de l'UE à mettre un terme au conflit en Bosnie, ainsi que les divergences stratégiques avec leur partenaire américain lors des opérations au Kosovo, pour plaider en faveur d'un renforcement de l'Europe de la Défense.

La récente annulation par Varsovie de la commande d'appareils à Airbus et l'achat, dans la foulée, de matériels américains mettent néanmoins clairement en lumière le manque de cohésion qui règne au sein des Etats membres de l'UE. "Les choix" polonais "nous préoccupent par rapport à la conception de la défense européenne", a commenté le Premier ministre français Manuel Valls tandis que le chef d'Etat français François Hollande a mis en garde les pays européens achetant uniquement des armes américaines.

"Traditionnellement attachée à l'OTAN, Varsovie le fait au détriment de ses alliances internes à l'UE. En ce qui concerne sa stratégie nationale de sécurité, elle fait passer l'UE au second rang : la Pologne considère que l'OTAN et les Etats-Unis sont garants de sa sécurité. Par ailleurs, elle est en train de renforcer sa défense. C'est le seul pays européen, et de loin, à faire un tel effort dans ce domaine", analyse Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po et cofondateur du site EurAsia Prospectives.

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