Les remèdes anti-déflation de la BoJ pourraient entraîner des dévaluations compétitives (ANALYSE)
Publié le 2016-01-30 à 17:58 | french.xinhuanet.com
TOKYO, 30 janvier (Xinhua) -- La Banque du Japon (BoJ) a créé la surprise vendredi en annonçant qu'elle allait désormais suivre une politique "avec taux d'intérêt négatif" afin de montrer sa détermination à lutter contre la déflation. Mais ce remède ne semble guère suffisant pour traiter les maux structurels dont souffre l'économie nippone et risque de pousser d'autres pays à pratiquer des dévaluations compétitives.
Un tel schéma entraînerait en fin de compte une chute des cours au Japon et pourrait inhiber les investissements, soit l'exact opposé de l'objectif réflationiste de la banque centrale.
Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, a expliqué vendredi lors d'une conférence de presse qu'"en nous dotant d'une option d'assouplissement en matière de taux d'intérêt, nous utiliserons ces mesures d'assouplissement de façon optimale dans trois dimensions : quantitativement, qualitativement et au niveau des taux" de dépôt.
Bien que M. Kuroda se soit montré réticent quand la Banque centrale européenne (BCE) avait annoncé un taux de dépôt négatif en 2014, il a cette fois dit espérer que cette "mesure choc", qui entrera en vigueur en février et sera révisable, redonnera vie aux prêts bancaires et par conséquent aux dépenses.
Par cette mesure, la BoJ veut s'assurer que les banques commerciales seront davantage incitées à prêter aux entreprises, relançant ainsi les investissements et la croissance. Cela permettrait aussi de revenir sur une trajectoire d'inflation autour des 2%, même si nul ne sait quand cet objectif pourra être atteint.
Mais le danger de ce type de pari est que la banque centrale nippone n'a aucun moyen de s'assurer que les fonds sortant des banques commerciales seront bien injectés dans l'économie réelle. Si tel n'est pas le cas, les gains enregistrés sur les marchés après l'annonce surprise de la BoJ seront vite effacés et les cours repartiront à la baisse.
Ce scénario, sans même parler de la "mentalité déflationniste" affectant toujours entreprises et consommateurs ou encore d'un repli des autres devises face au yen, ce qui entraînerait une chute des cours, va pénaliser lourdement les exportations japonaises. En retour, cela entraînera un impact sur la production et pousser les entreprises à faire moins de dépenses.
De plus, cette politique tend dans une certaine mesure à montrer que les précédentes mesures d'assouplissement de la BoJ ont échoué à aider à soutenir les efforts réflationnistes des banques. Par ailleurs, la faible hausse du taux d'inflation en 2015 et le délai sans cesse repoussé pour parvenir à son objectif de 2% d'inflation prouvent que le pays est peut-être bien retourné dans sa spirale déflationniste bien connue.
La BoJ a parallèlement décidé de continuer d'accroître sa base monétaire à un rythme annuel de 80.000 milliards de yens (environ 674,48 milliards de dollars) via des acquisitions agressives d'obligations d'Etat.
Mais les analystes notent que cette politique "avec taux d'intérêt négatif" montre que la capacité de la banque centrale nippone à acquérir ces obligations a atteint ses limites car les banques commerciales vont être réticentes à déposer des fonds à la BoJ, ce qui rendra difficiles de telles acquisitions.
La décision de la BoJ a certes temporairement arrêté la hausse du yen, entraînant une dévaluation de la devise japonaise qui s'échange désormais à 121 yens contre un dollar, contre 1/118 auparavant. Mais un yen constamment dévalué risque au final de déprécier les avoirs détenus par les ménages nippons.
Par ailleurs, un autre aspect de ce taux de dépôt négatif doit être étudié, celui de la hausse du taux directeur de la Réserve fédérale américaine, tandis que la BCE laisse entendre un prochain assouplissement pour ce printemps.
Au final, la décision de la BoJ qui entraîne un recul du yen devrait pousser les autres banques centrales à dévaluer leurs devises respectives. Le résultat pourrait se traduire par un sévère coup porté à la lente reprise de l'économie mondiale.
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