Xiaomi, histoire de l'internationalisation d'un empire technologique chinois
Publié le 2015-10-12 à 16:21 | french.xinhuanet.com
BEIJING, 12 octobre (Xinhua) -- Quand Lei Jun a déclaré l'année dernière, durant la Conférence mondiale de l'Internet organisée en Chine, que son entreprise technologique, Xiaomi, deviendrait dans les cinq à dix ans à venir le leader international du secteur des smartphones, un responsable d'Apple a répondu prophétiquement, "c'est facile à dire, mais plus difficile à faire".
Le succès phénoménal de Xiaomi a bouleversé le marché pour les produits "made in China", en grande partie à cause de l'appel au patriotisme réalisé par son fondateur.
M. Lei, âgé de 46 ans, voulait au départ nommer sa société Etoile rouge. Cependant, comme ce nom était déjà pris, il a opté pour Xiaomi, "millet" en chinois, inspiré par une phrase de Mao Zedong pendant la guerre civile chinoise de 1945-1949 : "Nous voulons conquérir le monde par le millet et les fusils".
Il cite souvent Mao lors des conférences de lancement de produits, et l'entreprise a récemment fait les gros titres en établissant un bureau du Parti communiste chinois.
Le plaisir de la technologie
En 2010, année de création de Xiaomi, le marché chinois était dominé par les marques étrangères. Les journaux montraient des images de files d'attente pour l'iPhone 4, et peu de Chinois auraient pensé acheter un appareil issu d'une start-up nationale.
Pourtant, fin 2014, la valeur de marché de Xiaomi était de 45 milliards de dollars, soit 180 fois sa valeur en 2010.
L'entreprise est parvenue à devancer de très loin ses concurrents nationaux Huawei et Lenovo, occupant la première place du marché chinois. Xiaomi est désormais le troisième producteur mondial de smartphones derrière Apple et Samsung. Le visage souriant de Lei Jun a occupé les pages du Wall Street Journal, du Time et de Forbes.
Xiaomi a arraché des parts de marché en vendant ses appareils 2.000 yuans (313 dollars), un prix bon marché mais controversé.
Le slogan de la société est "Que plus de personnes profitent du plaisir de la technologie".
M. Lei a misé sur la popularité de l'Internet mobile et a remporté son pari. En 2012, le nombre de Chinois accédant à Internet via leurs téléphones portables a pour la première fois dépassé le nombre de ceux naviguant sur Internet via leurs ordinateurs. En juin 2015, la Chine comptait 668 millions d'internautes, soit près de la moitié de la population du pays. 594 millions d'entre eux accédaient à Internet via leurs smartphones.
En août 2011, lorsque les premiers smartphones de Xiaomi ont été dévoilés, l'entreprise a vendu plus de 300.000 unités en cinq minutes sur Internet. Le 18 avril 2015, Xiaomi a créé un nouveau record en écoulant 2,12 millions de smartphones en 12 heures sur Internet.
Ce succès a été reproduit dans les marchés étrangers, notamment au Brésil et en Asie du Sud-Est. En juillet 2014, Xiaomi a fait son entrée sur le marché indien, vendant plus de 800.000 smartphones et s'octroyant rapidement 1,5% des parts du marché local.
La popularité de Xiaomi, selon des experts du secteur, vient notamment de l'expérience des pays en développement, où existe une grande demande de produits bas et moyen de gamme, qui sont le point fort de Xiaomi.
Barrière de brevets
Toutefois, l'internationalisation d'une start-up chinoise exige des brevets, et des lacunes en matière de propriété intellectuelle constituent le talon d'Achille de Xiaomi.
Le lancement de son purificateur d'air l'année dernière a suscité des doutes. Ce produit a été critiqué pour ses remarquables similitudes avec un purificateur d'air de la marque japonaise Balmuda en termes d'apparence et de structure interne.
En décembre, la société suédoise Ericsson a remporté un procès contre la marque chinoise en Inde, interdisant l'importation et la vente de smartphones Xiaomi en raison d'atteintes aux droits liés aux brevets. Xiaomi s'est acquitté d'une importante indemnisation, renforçant les doutes du public quant aux produits "made in China".
Hugo Barra, vice-président de Xiaomi chargé de l'Inde, a confié à la presse que l'entreprise avait déposé 2.600 demandes de brevets à l'échelle mondiale afin de construire un portefeuille de brevets pour se défendre.
M. Lei a décrit l'implantation de l'entreprise sur le marché indien comme la transition vers un stade de maturité, annonçant que Xiaomi investirait davantage dans la recherche et le développement et obtiendrait plus de brevets que toute autre entreprise au monde durant la prochaine décennie.
En mai 2015, Xiaomi a ouvert ses boutiques en ligne aux Etats-Unis et en Europe, vendant seulement des écouteurs, des chargeurs et des trackers d'activité, mais ne proposant pas de smartphones. Certains médias estiment que Xiaomi espère ainsi éviter des conflits ayant trait aux brevets.
Selon le ministère chinois de l'Industrie et des Technologies de l'information, quasiment tous les producteurs chinois de smartphones sont bloqués dans leur tentative d'accéder aux marchés étrangers, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. L'absence de brevets clés reste la principale barrière.
Saturation du marché
Les fabricants nationaux de smartphones ont fait de la Chine le marché le plus grand et le plus compétitif. Yu Xiaohui, directeur de l'Académie chinoise de recherche en télécommunications, a révélé que les producteurs chinois comptaient six des dix plus grands vendeurs en se basant sur les parts de marché. En Chine, le nombre de producteurs nationaux de smartphones dépasse 200, et ces derniers représentent 80% du marché.
Cependant, les ventes de smartphones dans le pays ont connu une baisse au premier semestre, les livraisons ayant diminué de 4,3% pour atteindre 98,8 millions, selon la société de conseil en informatique IDC.
"Le marché chinois est saturé ", juge Yu Li, vice-directeur marketing de l'Académie chinoise de recherche en télécommunications, ajoutant que le temps d'une croissance explosive est révolu et qu'une époque de concurrence de plus haut niveau approche.
Lei Jun a fait savoir sur son compte de microblog que Xiaomi avait vendu 34,7 millions d'unités de janvier a juin, en baisse par rapport au second semestre 2015, marquant un mauvais départ pour son objectif d'écouler 100 millions d'appareils cette année.
"Même si la croissance ralentit, les fabricants de smartphones peuvent continuer de saisir les opportunités en gardant des prix compétitifs", explique-t-il d'un ton optimiste.
"Les utilisateurs de smartphones exigent toujours plus en termes de qualité", note Yang Ye, directeur de l'Alliance de l'industrie du développement des télécommunications. Selon lui, les entreprises chinoises doivent à la fois surmonter la barrière des brevets et développer des produits haut de gamme et cesser de suivre l'exemple de Xiaomi dans les marché bas de gamme.
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