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La législation sur les "minerais de sang" de l'Afrique fait débat (ANALYSE)

French.news.cn   2015-05-26 09:14:41      

STRASBOURG, 25 mai (Xinhua) -- La décision du Parlement européen (PE) de renforcer la législation sur les "minerais de sang", saluée par les ONG comme une avancée "majeure", rencontre des oppositions au sein de l'Union européenne (UE) comme aux Etats-Unis où ses détracteurs mettent en avant les "effets pervers", en Afrique notamment, ainsi que les difficultés de la mise en application d'une telle politique.

Les Eurodéputés ont voté à une large majorité, lors de leur session plénière de mai à Strasbourg, l'introduction d'un dispositif de conformité obligatoire pour "tous les importateurs de l'Union" d'étain, de tantale, de tungstène et d'or s'approvisionnant dans les zones de conflit. Les 880 000 fabricants de l'UE potentiellement concernés seraient contraints d'obtenir une certification de l'UE garantissant qu'ils n'alimentent pas les conflits et les violations des droits de l'homme dans les zones de conflit.

L'étain, le tantale, le tungstène et l'or sont utilisés dans la fabrication de nombreux produits de consommation dans l'UE, en particulier par les industries et machineries automobiles, de l'électronique, de l'aérospatial, de l'emballage, de la construction, de l'éclairage et de l'outillage, ainsi que dans le secteur de la bijouterie.

L'expression "minerai de sang" rappelle celle de "Blood Diamant" (Le diamant de sang), film américain réalisé par Edward Zwick en 2006 avec Leonardo di Caprio dans le rôle principal, qui dénonce le rôle joué par les diamants dans le financement de la guerre civile en Sierra Leone.

Selon Amnesty International, pas moins de 40% des conflits civils dans le monde ces soixante dernières années sont liés au contrôle des ressources naturelles. Le phénomène est particulièrement marqué sur le continent africain qui recèle 30% des ressources mondiales en minerais et où la production minière représente près d'un quart du produit intérieur brut.

"Des géographes ont superposé la carte des conflits armés en Afrique à celle des ressources minérales et des matières premières (ou à celle de la pénurie alimentaire et des famines). La relation était saisissante", déclare Apoli Bertrand Kameni, chercheur en science politique.

"Les minerais, surtout les minerais rares (ou stratégiques) si importants pour les techniques de pointe et la fabrication de produits de la vie quotidienne sont devenus un véritable acteur de la géopolitique mondiale", ajoute l'universitaire.

Malgré le vote du PE, qui s'est très nettement démarqué de la proposition initiale de la Commission basée sur le simple volontariat, la bataille des minerais des conflits est cependant loin d'être gagnée pour la gauche européenne. "Le Parlement a suivi à la ligne la position que j'ai toujours défendue et qui place les droits humains au-dessus des intérêts économiques. Il faudra maintenant en convaincre le Conseil", rappelle Marie Arena, l'eurodéputée belge en charge du dossier.

Dans l'évolution du dossier des minerais des conflits, le poids de l'opinion publique s'est avéré considérable. Plus de 50 000 personnes ont en effet signé la pétition d'Amnesty International demandant aux parlementaires européens de montrer l'exemple. Des compagnies internationales important des minerais du conflit, sous la pression notamment des réseaux sociaux, s'inquiètent d'une détérioration de leur image et d'éventuelles conséquences dans la marche de leurs affaires.

Mais les voix qui s'élèvent pour dénoncer les "effets pervers" des législations contraignantes sont elles aussi nombreuses. Dans une lettre ouverte publiée en septembre dernier, soixante-dix chercheurs, hommes politiques ou responsables d'organisations non gouvernementales affirmaient, qu'au lieu d'améliorer les choses, la loi Dodd-Frank votée aux Etats-Unis en 2010 avait eu "un certain nombre de conséquences non intentionnelles et dommageables". Selon eux, elle aurait conduit certains acheteurs internationaux "à se conformer à la législation en se retirant du Congo" du fait de l'absence de système de traçabilité fiable. Des milliers de mineurs se retrouvent sans gagne-pain et deviennent des proies faciles pour des groupes armés, affirment-ils."Les minerais aident à perpétuer les conflits" mais "ils n'en sont pas la cause", défendent-ils.

Le dossier des "minerais du sang" risque donc de faire encore couler beaucoup d'encre. Les détracteurs du texte du PE n'ont pas dit leur dernier mot. Les lobbyistes tels qu'Eurométaux, Digitaleurope, la Chambre de commerce américaine de l'UE (AMCHAMEU) ou Business Europe ne manqueront pas de faire pression afin de modifier la réglementation lors de son examen par la Commission européenne et le Conseil de l'UE, deux institutions au sein desquelles les partis conservateurs et libéraux, largement opposés au texte du PE, jouissent d'une grande influence.

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