DAKAR, 13 mai, (Xinhua) -- Si "la terre est considérée comme une affaire d'hommes", alors "les femmes sont le pilier de l'agriculture en Afrique et l'ossature de la production alimentaire".
Ce constat a été fait par le rapporteur spécial sur les droits de la femme en Afrique à la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples, Soyata Maïga, lors du Forum foncier mondial qui se tient depuis mardi à Dakar.
"En général, les femmes africaines sont analphabètes et pauvres. A cause de ces deux facteurs, on considère souvent qu'elles n'ont pas la capacité de posséder des terres et de les faire fructifier", a-t-elle regretté.
"Les femmes accèdent à moins de 2% des terres du continent et ont de faibles revenus, car elles ne reçoivent que 1% des crédits accordés à l'agriculture. Ce qui explique l'absence de techniques agricoles modernes pour elles", a-t-elle expliqué avant d'ajouter qu'"elles sont parfois spoliées car dépourvues de droits de succession à cause des mariages précoces qui leur dénient la capacité de participer au développement agricole".
Pour sa part, le commissaire de la réforme agraire au Sénégal, Pr Moustapha Sourang, a souligné que "la constitution sénégalaise parle d'accès égal à la terre mais la réalité est toute autre sur le terrain. Dans beaucoup de contrées ce sont des femmes qui mettent en valeur les terres mais ne sont pas propriétaires".
"Il faut des politiques qui encouragent l'accès des femmes à la terre, d'autant plus que démographiquement parlant, elles sont légèrement plus nombreuses que les hommes au Sénégal", a-t-il proposé.
De son côté, la parlementaire ougandaise, Jacquilin Amongin, a souligné que "la loi ne fait pas de discrimination mais il y a un problème sociologique du fait du poids social".
Parlant de son pays, elle a estimé qu'"il y a un travail de sensibilisation auprès des chefs traditionnels pour adoucir les coutumes qui limitent les droits fonciers de la femme".
Pour la chargée de programmes au réseau Femmes, droits et développement en Afrique, Kafui Kuwonu, "l'ignorance des droits par les populations perpétuent aussi le déni de droit de propriété, d'accès et de contrôle des terres à la femme".
"L'absence de reconnaissance et d'exercice des droits de la femme entrave le développement. Il est important de faire valoir leurs droits pour un développement durable", a-t-elle conclu.
Le forum de Dakar a abordé d'autre part la question des investissements dans le foncier en Afrique.
Selon le directeur général de l'Institut pan-africain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement, Amadou Kanouté, "les pays africains sont obligés d'avoir un environnement attractif parce qu'il y a une course à la compétitivité et les critères des investisseurs ne correspondent pas toujours aux critères des Etats (africains)".
"Il faut mettre en place des mécanismes de suivi qui assurent la transparence afin que les engagements pris par les investisseurs soient respectés", a-t-il préconisé.
"La terre est disponible et relativement bon marché. Avec des dispositions juridiques faibles, il peut y avoir de l'accaparement des terres et des violations des droits humains avec les exploitations à grande échelle", a souligné le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Hilal Elver.
"Les investissements sur le foncier en Afrique ont donc des inconvénients car les populations peuvent perdre leurs droits à l'eau et au logement en plus de la dégradation de leur environnement", a-t-il poursuivi.
Pour Aida Djigo Wane de l'Agence nationale pour la promotion de l'investissement et des grands travaux (Apix) au Sénégal, "les investissements agricoles sont importants pour la croissance et la sécurité alimentaire en Afrique, mais il y a souvent une insécurité foncière".
Selon elle, "il faut des dispositions pour protéger les droits des populations afin de les amener à accepter les projets, car pour un développement pérenne et inclusif, un accompagnement de l'agriculture rurale par les investisseurs est nécessaire".