Par Raphaël MVOGO
YAOUNDE, 8 mai (Xinhua) -- Le pouvoir camerounais a examiné avec les partenaires au développement jeudi à Yaoundé un programme d'aménagement du territoire pour les régions septentrionales (Extrême-Nord, Nord et Adamaoua) d'un coût d'environ 80 milliards de francs CFA (160 millions de dollars), faisant partie d'une liste de projets d'investissements prioritaires dans les zones d' insécurité du pays.
Connues pour être avec l'Est, en proie elle aussi à l' insécurité, les plus vulnérables en matière de conditions de vie des populations avec un taux de pauvreté oscillant entre 50 et 60%, selon les estimations officielles, ces trois régions dont principalement celle de l'Extrême-Nord paient un lourd tribut dû aux attaques sur le territoire camerounais de Boko Haram;
Un rapport du ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire présenté jeudi à Yaoundé fait état d'un "net ralentissement dans la mise en oeuvre de la majorité des projets à financement extérieur" depuis juin-juillet 2013, après les premières manifestations des activités terroristes de la secte islamiste nigériane marquées par l'enlèvement d'une famille française quelques mois auparavant.
Priorité accordée aux infrastructures, à savoir la construction des routes avec des salles de classes, ces projets sont évalués à un coût d'investissement total de 584 milliards de francs CFA (1, 168 milliard de dollars), incluant un montant de 358 milliards ( 215 millions de dollars) pour l'assistance technique. Une enveloppe de 37,5 milliards (71 millions de dollars) est aussi annoncée pour un programme humanitaire.
Report de démarrage de projets, ralentissement dans l'exécution, annulation de contrats, absence de supervision, renchérissement des coûts : les défis à relever sont aujourd'hui énormes pour les autorités de Yaoundé et les partenaires financiers et techniques, réunis ensemble jeudi à Yaoundé lors d'un atelier de réflexion sur l'harmonisation des interventions dans les zones d'insécurité au Cameroun.
Les deux parties se sont accordées à conjuguer leurs efforts pour relancer, par le biais d'un Programme d'urgence du gouvernement, les projets à l'arrêt et donner un coup de fouet à ceux en ralentissement dans les quatre régions sensibles, l'Est compris, qui représentent plus du tiers (272.966 km2, soit 38%) du territoire national et de la population (8.472.197 habitants, environ 40%).
"Il y a une priorité d'investir avec des activités de développement dans le Nord. C'est une région qui est sous- développée, les indicateurs statistiques montrent que la pauvreté est significative là-bas. En plus maintenant nous avons un problème de sécurité qui rend la coopération au développement encore plus difficile et plus coûteuse aussi quelquefois", a souligné à Xinhua Clemens Schroeter, chef de coopération à la délégation de l'Union européenne à Yaoundé.
"On a des informations, a-t-il ajouté, pour quelques programmes de coopération qui montrent que les prix pour la coopération peuvent augmenter. Par exemple pour quelques projets d' infrastructures, il y a des estimations qui indiquent que les coûts peuvent être quelquefois plus de 20%, pour prendre en compte les aspects sécuritaires".
La déroute de Boko Haram face à la coalition formée par le Nigeria,le Cameroun, le Tchad et le Niger a cependant permis de réduire l'influence du groupe terroriste, de sorte que dans les régions affectées du Nord-Cameroun "la tendance est favorable, parce qu'on observe une baisse du niveau de la violence. Nous espérons dans un proche avenir passer en phase de stabilisation", a rapporté le capitaine de frégate Samuel Sylvain Ndoutoumou, en service au ministère de la Défense à Yaoundé.
A l'Est, théâtre d'une énième prise d'otages où une délégation de 16 voyageurs comprenant un maire du Nord a été enlevée mi-mars, il est aussi fait état d'un "niveau de conflit en basse intensité", à l'origine d'un dispositif sécuritaire spécial dont les effectifs et les coûts des opérations sont aussi entourés de mystère que ceux des troupes déployées sur la ligne de front dans l'Extrême- Nord.
Bailleur de fonds du projet de réfection de l'axe reliant Mora et Kousseri, ville limitrophe de la capitale tchadienne N'Djamena, la Banque mondiale voit dans cette amélioration du climat sécuritaire une bonne nouvelle pour relancer les travaux interrompus depuis l'attaque de Boko Haram où une dizaine d' ouvriers chinois avaient été enlevés enmai 2014.
"On est en train de trouver des solutions avec le ministre des Travaux publics, comme il faut changer de méthodologie de travail et de contractualisation. On veut reprendre dans les délais les plus brefs possibles les travaux sur cette route", a annoncé Gregor Binkert, directeur des opérations de cette institution au Cameroun.
Dans le cadre du Programme d'aménagement du territoire pour les régions septentrionales, le pouvoir de Yaoundé a identifié 94 projets visant à renforcer les infrastructures de base dans les domaines de l'économie rurale, de la santé ou encore de l' éducation. C'est un programme d'investissements complémentaire à une série d'actions prioritaires étendues sur l'ensemble du territoire national.
Le Plan d'urgence triennal pour l'accélération de la croissance en exécution depuis cette année consacre aussi une partie de ses financements chiffrés à 925 milliards de francs CFA (1,85 milliard de dollars) aux problèmes de développement de ces régions, de même que le budget d'investissement public du gouvernement pour 2015, d' un coût de 114,5 milliards (229 millions de dollars).
Selon Gregor Binkert, "la semaine prochaine, on va négocier une nouvelle phase pour le projet PNDP [Programme national de développement participatif], qui aura une composante nationale et une composante pour les quatre régions affectées par l'insécurité. On va renforcer encore notre coopération avec de nouveaux projets aussi".