Le Struthof, un lieu de transmission de la mémoire des déportations pour toute l'Europe (REPORTAGE)

Publié le 2015-04-05 à 07:51 | french.xinhuanet.com

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Par Neil Madden

STRASBOURG, 4 avril (Xinhua) -- A soixante kilomètres au sud-ouest de Strasbourg, niché dans les Vosges, se trouve Le Struthof, seul camp de concentration nazi construit sur ce qui est aujourd'hui le territoire français.

"Nous recevons quelque 180 000 visiteurs chaque année", a dit Mme Frédérique Neau-Dufour, directrice du Centre européen du résistant déporté (CERD) qui supervise depuis quatre ans le site. C'est une éminente historienne qui a publié de nombreux ouvrages sur la France pendant les deux guerres mondiales du XXe siècle et elle a expliqué à Xinhua le rôle actuel du Struthof.

"Parmi ceux-ci, environ la moitié est composée de visiteurs étrangers et la majorité d'entre eux provient d'Allemagne. La visite du site fait également partie du calendrier scolaire pour de nombreuses écoles des deux côtés du Rhin. Nous avons des guides pédagogiques spécialisés qui enseignent aux élèves ce qui est arrivé ici et l'importance du passé", a-t-elle expliqué.

Selon elle, il est très important de se remémorer le passé tragique afin d'éviter qu'il ne se reproduise.

"L'Allemagne a su conduire après la guerre un travail d'auto-analyse et d'étude de son passé nazi qui a permis la réconciliation", a-t-elle dit. "Cette attitude responsable devrait servir de modèle aux autres pays qui, dans l'histoire, ont été coupables de crimes contre l'humanité."

"C'est également pour cela que je fais hisser depuis un an et demi un drapeau de l'Union européenne au côté de celui de la France au monument, car il s'agit d'un mémoire à préserver pour toute l'Europe."

Le 1er mai 1941, au lieu-dit "le Struthof", les nazis ont ouvert un camp de concentration, le KL (Konzentrationslager) Natzweiler. Le camp central est situé en ce qui était alors l'Alsace annexée. Sa nébuleuse de camps annexes, répartie des deux côtés du Rhin, est composée d'un réseau de près de 70 camps, plus ou moins grands.

"Aujourd'hui, Le Struthof est un musée et comprend le CERD, un mémorial qui rappelle cette sombre épisode de l'histoire européenne moderne. Exceptionnellement, le musée est sous la responsabilité du ministère français de la Défense, et non de celle du ministère de la Culture qui gère la majorité des musées français", a présenté Mme Frédérique Neau-Dufour.

"Le Struthof doit devenir, pour toujours, un lieu de transmission de la mémoire de la déportation", a déclaré en 2005 Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux Anciens Combattants.

"C'est à nous de tout faire pour que l'ignorance à ce sujet ne soit pas permise", a dit l'étudiante Margaux après sa visite du Struthof.

Le jour de la visite du correspondant de Xinhua fin mars, un groupe d'étudiants allemands âges de 14 à 15 ans venant de l'école secondaire Kant à Weil-am-Rhein (ville allemande à la frontière suisse) étaient sur le site. Les étudiants ont expliqué que pour eux, il était important de venir ici pour avoir une idée des atrocités qui avaient été commises en cet endroit.

Un des étudiants a ajouté que, même s'ils étudient l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et du régime nazi à l'école, la visite sur place leur apporte la réalité de ce qui s'est passé.

"Après la visite, je me demande encore plus comment il peut y avoir la remontée des néo-nazis", a dit un jeune garçon.

"N'oubliez jamais ce que nous avons vécu. Il existe encore des foyers de haine et de xénophobie", a insisté Pierre Rolinet, résistant déporté, cité dans le dossier du site.

En fait, près de 52 000 personnes d'une trentaine de nationalités différentes ont été déportées au KL-Natzweiler ou dans ses camps annexes, alors que 35 000 ont été envoyés dans les autres camps.

Le Struthof fut le premier camp de concentration en Europe occidentale à être libéré par les forces alliées en novembre 1944. Mais, avec la découverte des grands camps d'extermination en Europe centrale et de l'est, comme Auschwitz et Bergen-Belsen, l'attention s'est détournée de ce site.

Néanmoins, Le Struthof conserve une place au cœur de la conscience européenne après la guerre, surtout pour la brutalité inqualifiable dont il a été témoin. Utilisé principalement comme un centre pour les prisonniers politiques et les résistants de toute l'Europe, 40 pour cent des détenus qui sont passés par les portes des KL-Natzweiler sont morts, faisant du complexe une des machines de terreur nazies les plus meurtrières.

Un mémorial aux déportés a été inauguré en 1960 par le général de Gaulle et les restes d'un déporté inconnu ont été enterrés dans la crypte, tout comme le "soldat inconnu" qui se trouve sous l'Arc de Triomphe à Paris.

Une chambre à gaz était située en contrebas du Struthof dans la "salle des fêtes" d'une auberge où des expériences horribles ont été menées sur les victimes, beaucoup d'entre eux étaient des tsiganes sur qui les effets du gaz phosgène étaient testés.

En août 1943, elle a servi à exterminer 86 Juifs amenés d'Auschwitz et destinés à constituer une collection de squelettes pour "prouver la spécificité de la race juive".

Dans le camp principal, les détenus étaient utilisés comme esclaves dans une carrière pour extraire le grès rose qui donne aux Vosges leur teinte distinctive. La pierre a été exploitée pour l'exportation à Berlin où elle a été utilisée pour ériger les monuments à la gloire du Troisième Reich.

Aujourd'hui, un projet de restauration de 1,2 million d'euros est en cours dans deux des baraques restant, dont l'un contient l'infâme crématoire où les corps des victimes étaient brûlés. Il sera prêt pour une visite officielle du président François Hollande qui viendra au Struthof le 26 avril dans le cadre d'une journée nationale pour commémorer les déportations de la guerre.

Ces événements sont une partie importante de la vie moderne du Struthof. Cependant, Mme Neau-Dufour souligne les nombreuses autres façons dont le CERD fait revivre l'histoire, en particulier pour les jeunes générations, y compris à travers des films, des expositions et des événements mis en scène.

Fin mars, les équipes française et allemande de football U18 (les joueurs de 18 ans et moins) se sont retrouvées pour des rencontres amicales. Et à l'initiative de la Ligue d'Alsace, une visite au Struthof a été organisée, avec le dépôt d'une gerbe sur le monument par les deux capitaines et une visite de l'exposition "Le sport dans les camps nazis".

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